Post et périscolaire
Cartes postales :
- cantines scolaires d'Annecy, 1906.
- cantines scolaires de l'école de la Madeleine, Evreux, 1904.
La troisième république conduit une politique scolaire tendant à établir une école dans chaque commune, mais oublie de prévoir l’alimentation des enfants le midi.
Il pourra être installé des lavabos, dans le préau, ainsi que des tables mobiles pour les repas des élèves.
Un fourneau pourra être établi à proximité du préau pour préparer ou réchauffer les aliments des enfants.
La cantine se structure à partir de l’école et de la commune, sans intervention de l’état.
Dans les campagnes l'éloignement du domicile oblige l'enfant de se restaurer sur place. Les cantines en ville ont pour objectif moins de remédier à l'éloignement des enfants que d'apporter une aide aux familles. Les familles les plus démunies trouveront un moyen commode de scolariser leurs enfants à moindre frais, en se délestant des préoccupations et de la charge financière du repas du midi (Marianne Thivend, L'école républicaine en ville).
On craint moins la sous-alimentation à la campagne, mais le rôle de faciliter la fréquentation scolaire concerne aussi bien les campagnes que les villes.
Au début du XXe siècle, une série d'améliorations s'établissent : plus grande capacité, inscription à l'avance aux repas, aménagement de magasin central, menus uniques...
Pour améliorer la fréquentation de l'école, l'instituteur dévoué organisera à l'école une cantine scolaire. Moyennant quelques sous, une femme servira à midi une soupe chaude, elle réchauffera les aliments que chaque enfant aura apportés le matin, et l'on achèvera l'interclasse par une récréation sous la surveillance d'un maître.
Qu'ils prennent ou non le repas de midi à l'école, il est interdit de leur donner d'autres boissons que de l'eau, du lait, de la bière, du vin ou du cidre étendus d'eau, des infusions hygiéniques sans aucune addition de spiritueux. (Code Soleil, 1927)
C’est seulement en 1936 qu’intervient une obligation de construire un réfectoire dans toute nouvelle école et l’aménagement des établissements existants.
En 1938, 9000 cantines existent en France mais elles sont surtout en ville, placées sous le signe de la laideur, de la pauvreté, du brouhaha et les repas sont mal équilibrés.
Les cantines scolaires en 1906
L’infatigable organisatrice de l’enseignement ménager et des cantines scolaires, Mme Moll-Weiss, fait suivre ses articles du Matin d’un travail d’ensemble sur la question des cantines. C’est le Revue qui le publie. Mme Moll-Weiss signale les défectuosités du service des cantines, et surtout l’erreur fondamentale qui consiste à ne point adapter la nourriture aux besoins physiologiques des enfants.
Ce qui frappe tout d’abord le visiteur qui entre dans nos réfectoires, c’est que les tables sont mises sans goût, que leur surface n’est pas facile à nettoyer, car elles sont en bois blanc ou peintes à l’huile, et que les enfants mangent serrés les uns contre les autres, même lorsqu’il reste des tables et des bancs ; et j’ai fait cette même observation dans toutes les écoles que j’ai visitées. Or, il me semble que la formation du goût des élèves, surtout des petites filles, n’est pas un détail négligeable, et même au point de vue hygiénique un peu plus d’espace ne serait pas à dédaigner. Certaines directrices, certains directeurs, obtiennent des enfants qu’ils apportent des serviettes dont une partie est étendue sur la table, et l’autre passée sous le menton ; le procédé n’est pas très pratique : beaucoup de ces enfants, en guise de serviettes, n’ont que de véritables lambeaux d’étoffe souillés, ou le journal de la veille. Lyon et Bordeaux donnent des serviettes aux enfants trop pauvres pour les apporter ; en tous cas, la surface des tables devrait être lisse et facile à nettoyer.
Au moment des distributions de prix, dans les quartiers pauvres de Paris, les enfants sont obligés de manger debout autour des tables, - les bancs sont transportés dans les mairies, - ou bien, avec la permission des maîtres, ils s’assoient « sur l’herbe ». C’est ainsi qu’ils appellent poétiquement le macadam de leurs différentes cours !
Lorsque le pauvre couvert est mis, vous n’apercevez sur les tables ni gobelets, ni fourchettes, ni couteaux : une gamelle et une cuillère, c’est tout !
C’est à grosses bouchées, arrachées du morceau de viande avec leurs dents, que les jeunes convives mangent leur portion de bœuf ou de gigot. Les mieux élevés semblent très malheureux et s’efforcent de trouver les moyens les plus délicats d’accomplir leur difficile besogne ; les maîtres et surtout les maîtresses se lamentent de ne pouvoir donner couteaux et fourchettes à leur pupilles, et cela bien plus pour des raisons de propreté et d’élégance que pour des raisons d’hygiène. Alors cependant que ces dernières ont aussi leur importance : les grosses bouchées mal mâchées imposent, en effet, un travail supplémentaire, fatigant et inutile pour l’estomac. Pourquoi pas de fourchettes ? Pourquoi pas de couteaux ? Par misère ? Non, simplement par crainte des accidents ; malgré la loi du 20 juillet 1899, la responsabilité civile des membres de l’enseignement reste entière…
Les transformations fondamentales que réclament nos cantines me semblent plus importantes encore ; elles sont relatives au menu : composition et quantité des aliments. Qu’on me permette de reproduire ici, à l’appui de mon dire, les menus de l’une des cantines de Paris ; ceux des autres cantines de la ville et de la province sont analogues, sauf qu’ils sont précédés d’une soupe.
QUANTITES POUR 100 ENFANTS, GARCONS ET FILLES (Ecoles primaires.)
Lundi. – 10 litres lentilles, 3 kilos. Chipolatas, 250 grammes saindoux.
Mardi. – 7 kg 500 mouton, 35 litres pommes de terre, 250 grammes saindoux.
Mercredi. – 6 kilos. macaroni, 1 kg. 250 gruyère, 750 grammes beurre.
Vendredi. – 7 kg. 500 mouton, 10 litres haricots blancs, 250 grammes saindoux.
Samedi. – 8 kilo. Bœuf, 0 kg. 600 légumes frais, 2 kilos. de riz.
Le menu de la classe de garde du jeudi est le même que celui du samedi.
ECOLES MATERNELLES. (Même groupe scolaire.)
Lundi.- 6 kg. 500 bœuf, 0 kg. 500 légumes frais, 1 kg. 200 riz.
Mardi. – 5 kilos. macaroni, 1 kilogr. Gruyère, 0 kg. 600 beurre.
Mercredi. – 8 litres lentilles. 2 kg. 500 chipolatas, 0 kg. 200 saindoux.
Jeudi. – 6 kg. 500 boeuf, 0 kg. 500 légumes frais, 1 kg. 200 riz.
Vendredi. – 8 litres haricots blancs, 250 grammes chipolatas, 0 kg. 200 saindoux.
Samedi. – 6 kg. 500 mouton (désossé par le boucher), 30 litres pommes de terre, 250 grammes saindoux.
D’après ces menus, il est facile de constater : 1° que la plupart des enfants, ceux surtout des écoles maternelles, ont une alimentation qui n’est pas adaptée à leurs besoins et à leurs forces, qui n’est pas assimilable pour eux ; 2° que les rations sont inférieures à ce qu’elles devraient être.
Elle n’est pas assimilable, surtout pour les enfants des écoles maternelles, parce que leurs estomacs sont encore incapables de digérer les lentilles, les haricots avec leurs enveloppes, parce que les saucisses chipolata très grasses, faite de chair de porc, sont trop lourdes, parce qu’ils ne peuvent encore mastiquer la viande suffisamment. Le directeur d’une école de Tarbes m’écrit que le temps ne permet pas de préparer deux sortes de menus ; mais les tableaux que j’indique plus haut appartiennent au même groupe scolaire, les menus sont identiques, sans que les mêmes mets soient servis aux mêmes jours aux enfants des écoles primaires et de l’école maternelle ; ici ce manque de temps ne semble donc pas devoir être invoqué comme excuse.
Jusqu’à ce que nos cantines scolaires soient mieux outillées, qu’elles possèdent des presse-purées et un petit moteur électrique capable de faire fonctionner ceux-ci, nos petits de l’école maternelle devraient être nourris autrement que ne le sont les grands : de pâtes qu’ils adorent, de soupes comme celles que nous donnons tous à nos enfants en bas âge, de lait et de farines alimentaires. Sans doute la Phosphatine succulente et ses congénères reviendraient un peu trop cher, mais de la bonne farine de froment, exposée à la chaleur des fours au moment où ils ne servent plus à la préparation du repas jusqu’au lendemain, donnerait d’excellents résultats. On pourrait élever la valeur de ces potages en leur incorporant quelques œufs. Le riz au lait, les œufs au lait, les gâteaux de riz, les pommes de terre en purée au lait et en gâteaux, voilà de quoi faire des menus appétissants et très faciles à digérer pour les jeunes estomacs. Dans nos provinces du Midi, où les fruits sont si bon marché, de bonnes compotes données de temps à autre feraient le bonheur de toute la classe. Qu’on ne m’objecte pas que gâteaux de riz, gâteaux de pommes de terre, compliqueraient le travail de la cantinière : il n’en est rien ; les gamelles de nos écoles se prêtent à plus d’un usage. On peut y verser les préparations, puis les mettre au four quelques minutes, et servir à chaque enfant un gâteau ayant été préparé dans sa propre gamelle. Les combinaisons culinaires économiques sont d’ailleurs très nombreuses, il suffit d’un peu de réflexion et de bonne volonté pour que chaque ménagère, chaque institutrice, puisse en composer en quantité suffisante.
(L’Ecole Nouvelle du 16 juin 1906)
La cantine scolaire est avant tout une œuvre sociale. Elle assure à l'enfant, le midi, un repas équilibré et substantiel pour un prix réduit ou pour certains gratuit. Elle permet de suppléer l’absence des parents retenus au travail ou d'éviter un long trajet.
La dernière guerre pousse le développement des cantines en raison de la difficulté du ravitaillement urbain. Les enfants apportent leur carte de pain en général, mais les collectivités peuvent procurer des pommes de terre et légumes variés, de la viande, des corps gras, par l'initiative des services de ravitaillement. Des familles relativement aisées acceptent ainsi de renoncer à nourrir leurs enfants à midi.
Gestion des cantines.
L'instruction du 30 août1949, stipule à défaut d'une organisation municipale très souhaitable, il sera prévu une cantine dans les écoles où un nombre important d'enfants ne peuvent rentrer déjeuner dans leurs familles et dans celles où il y a lieu de combattre la sous-alimentation.
Quand une construction d'école comporte une cantine, la subvention de l'État est égale uniformément à 50% de la dépense. En définitive, les locaux scolaires peuvent comporter ou non une installation particulière, faute de laquelle on utilise les salles d'étude ou de sport. Dans certaines écoles écartées, c'est même la cuisine de l'instituteur ou de l'institutrice qui est utilisée.
Le fonctionnement relève principalement des collectivités municipales souvent associées à la caisse des écoles, aux œuvres postscolaires, aux sociétés de bienfaisance, à la caisse de Sécurité sociale, aux associations d'anciens élèves.
Au cas où toutes ces collectivités s'en désintéresseraient, une circulaire du 20 février 1963 envisage la création d'une association dans le cadre de la loi du 1er juillet 1901. Cette disposition est destinée à permettre le mandatement régulier des subventions à l'instituteur.
En dépit d'instructions qui limitent l'usage de la table des cantines aux personnes qui en assurent le service ou à des suppléants de passage, il arrive que des enseignants d'écoles urbaines éloignées de leur domicile soient autorisés à titre exceptionnel à prendre leurs repas à la table commune. Les difficultés qui s'opposent, pour certains enseignants, à la possession de logements rapprochés des écoles justifient de telles dérogations
Le panier repas
A la campagne, l'éloignement du domicile contraint les enfants à amener leur repas à l'école. Ils apportent, chaque matin, avec la bûche pour le poêle en hiver, un panier ou une musette contenant leur nourriture qu'ils déposent sous le préau ou à l'entrée de la classe. Il contient en général, du pain, un morceau de viande, un fruit et un peu de vin ; d'autres ont moins de chose ; il y en a qui n'ont ni vin ni viande ; il s'en trouve même qui n'ont pas assez de pain. Froid ou réchauffé sur le poêle de la classe lorsque le maître l'autorise, il est pris sous le préau, interrompu par les jeux, les taquineries et le désordre.
- A l'école (1863)
d' Edouard Frère
- Le gouter (1887)
Léon Charpentier
La restauration scolaire
L’alimentation collective se pratique déjà dans les établissements scolaires sous des formes diverses sans avoir de nom précis. Les communes, notamment Paris en 1849, accordent une aide alimentaire aux enfants indigents et procèdent aux distributions dans les cantines.
« Cette organisation est bien simple et bien rudimentaire, mais c’est peut-être cette absence de toute complication qui en fait une œuvre scolaire de bonne et vraie solidarité, digne de tous les éloges et digne de tous les encouragements. » dit Victor Duruy.
- Déjeuner (1899) Melle Perrier
- L'heure du gouter, tableau de Jean Geoffroy (1882), gravure de Mme A. Duvivier, Le Monde illustré.
L’encombrement des hôpitaux par des enfants insuffisamment nourris et candidats à la tuberculose amène en 1917, le professeur Calmette à déclarer: « les cantines scolaires doivent être développées, multipliées, rendues obligatoires dans toutes les écoles parce qu’il est tout à fait indispensable d’assurer aux enfants du peuple une nourriture saine et suffisante pour leur développement physique ; c’est un devoir national ».
La surveillance des cantines
Les enfants qui ne sont pas rendus à leur famille dans l'intervalle des classes demeurent sous la surveillance de l'instituteur jusqu'à l'heure où ils quittent définitivement la maison de l'école.(article 9, paragraphe 1er du A.R.M. 18 janvier 1817, modifié le 9 février 1925)
Quand la cantine est installée dans l’école publique ou ses dépendances immédiates, les instituteurs sont tenus d’y effectuer la surveillance. Quand elle est installée hors de l’école, les enfants s’y rendent sous la responsabilité des parents ; les instituteurs ne sont pas tenus de les y conduire, ni de les y surveiller. (R.M. le 8 novembre 1930 ; 9 mai 1937)
L’obligation de surveillance des instituteurs est supprimée en 1978.
La commune sera appelée à désigner du personnel municipal pour cette surveillance, elle pourra même accorder une indemnité aux enseignants qui désirent assurer ce service en tout ou en partie.
Il est admis que des étrangers à l'enseignement puissent exercer la surveillance de la cantine à l'intérieur de l'école à la place des enseignants en activité. De toute façon, la Direction restera responsable et le choix de ce personnel sera soumis à l'agrément de l'autorité scolaire, l'Inspecteur primaire. Lorsque la cantine est commune à plusieurs écoles, le Directeur ou la Directrice peuvent prendre alternativement la responsabilité de la surveillance générale.
Le régime alimentaire
Suivant l'instruction du 30 août 1949, la nature des aliments et leur quantité, garantissant leur valeur nutritive sont fixés pour chaque jour de la semaine (un légume, une viande, un dessert facultatif).
Il faut concilier l'abondance, l'hygiène, et l'économie.
L'observation des prescriptions est assurée par les inspecteurs Primaires, le médecin départemental de l'hygiène scolaire et universitaire.
Mais ces dispositions ne peuvent être assurées effectivement que dans les villes où le nombre des repas servis est important. Dans les cantines rurales, on voit, d'après les rapports de l'Inspecteur d'Académie, qu'il est laissé aux instituteurs ou aux autorités municipales une initiative plus large.
Cartes postales :
- Nos petits écoliers
- Société des Fourneaux des écoles d'Angers
- CPA, Les cantines du groupe scolaire, rue Saint Merry à Fontainebleau.
- Oeuvre des Cantines Scolaires et Société de Patronage des Ecoles, commune de Bacalan.
Carte d'invitation personnelle au vin d'honneur offert aux amis de l'Ecole laïque.
Ecomusée d'Oeuilly.
Poële servant également à réchauffer les gamelles des enfants.
Les cantines scolaires,
L'Illustration, 1888.