3ème République 1914-1940
La méthode concentrique et la méthode progressive
Pour bien enseigner aux enfants "ce qu'il n'est pas permis d'ignorer", il faut savoir choisir et doser, suivant leur âge, les connaissances qu'ils auront à assimiler. L'enseignement doit être gradué. C'est perdre le temps et gaspiller l'énergie des maîtres et des élèves que d'offrir à ceux-ci une nourriture pour laquelle ils n'ont pas de goût et que leur esprit ne saurait digérer. Telle était bien la pensée des auteurs du plan de 1887, et c'est pour ce motif qu'ils ont rédigé des programmes différents...
Mais, d'une part, ils ont peut-être éprouvé une confiance excessive pour la méthode dite "concentrique", qui fait reparaître, aux divers cours, les mêmes articles du programme en exigeant simplement qu'ils soient traités avec une ampleur croissante. Et d'autre part, ils ont été trahis, sur ce point encore par leurs interprètes. L'échelle construite par les auteurs du plan de 1887 s'est raccourcie... Ce n'est pas en sept ans, c'est en cinq que sont répartis les articles du programme.
Les graves inconvénients de cette précipitation nous ont amenés à penser qu'il fallait revenir à la conception de 1887...
Ainsi se différencient, dans le nouveau plan d'études, les cours de l'école primaire. Chacun a sa physionomie et sa signification. En passant de l'un à l'autre, l'écolier progresse...
Avec des écoliers de six à treize ans, il serait dangereux de renoncer à toute révision, à toute répétition... Mais, si l'on veut que l'élève travaille avec joie et avec profit, il faut lui éviter la monotonie des redites, le dégoût du déjà vu...
A la méthode concentrique préférez la méthode progressive. Celle-ci exige, comme celle-là, que les connaissances soient solidement acquises. Dans chaque cours, on s'assurera que les enfants possèdent bien les notions inscrites au programme ; dans chaque cours on procédera périodiquement à des révisions. On ne fera de nouvelles conquêtes que si l'on est sûr de bien tenir le terrain déjà conquis... Mais l'enfant n'en aura pas moins l'impression, en passant d'un cours à un autre, qu'il pénètre dans un monde nouveau.
L'entre deux guerres
Les « années folles » permettent d’oublier les tueries.
En 1920, après la canonisation de Jeanne d'Arc, on institue une fête nationale en son honneur le 1er juillet.
A la fin de la grande guerre un groupe d'universitaires lance une campagne pour reconstruire l'école. Ils publient un manifeste (l'Université nouvelle) qui fait valoir la nécessité de donner à tous les français la même formation de base, d'élever le niveau général d'instruction. Ils préconisent d'intégrer les petites classes du secondaire à l'ensemble de l'élémentaire, d'allonger les études élémentaires jusqu'à 14 ans. Les enseignants du public sont divisés, ainsi que leurs syndicats, pour cette "école unique".
Beaucoup d'innovations voient le jour, portant sur l’attitude de l’enseignant, sur le fonctionnement de l’école, sur les méthodes et les formes d’apprentissage. La pédagogie Freinet et les enseignants se réclamant de l’Education nouvelle donnent l’exemple d’une innovation large et globale.
Le nombre d'enfants qui poursuivent leurs études dans l'enseignement primaire supérieur ou secondaire s'accroît.
Le cours supérieur des écoles primaires devient une classe de" fin d'études" pour les enfants qui attendent 13 ans pour sortir de la scolarité.
Jean Zay ramène à 11 ans l'âge du certificat d'études.
En 1937 l'école par "ordre" passe à une école par "degré". Les classes élémentaires des lycées et collèges sont rattachées à la direction du premier degré, qui perd les E.P.S., rattachées au second degré. Mais pour ménager les instituteurs, il permet au cours complémentaire de rester dans le primaire de continuer à préparer des élèves au concours des écoles normales. Contrairement à ses intensions, Jean Zay ne réussit pas complètement le regroupement du second degré.
Jean Zay met en place une pédagogie novatrice ; les classes promenades, les activités dirigées, l'étude du milieu par l'observation active, une demi-journée de sport par semaine, de nouveaux outils d'apprentissage comme la radio scolaire ou le cinéma éducatif.
La tactique de réformes scolaires que M. Jean Zay pratique depuis deux ans nous paraît la plus conforme à l'esprit progressiste français et aux intérêts de l'éducation nouvelle populaire. Elle consiste à faire face et à encourager des expériences puis, selon les résultats constatés, à recommander certaines pratiques en évitant de codifier hâtivement ce qui doit être la conséquence de l'expérience. (Célestin Freinet)
Avec les congés payés qui libèrent du temps pour les loisirs, il veut ouvrir en grand les musées, les théâtres et les bibliothèques à tous. Il crée le Palais de la découverte, le musée d'Art moderne, le musée de l'Homme. Le ministre n'a qu'un seul crédo : que chacun puisse avoir accès au savoir, quelles que soient ses chances de départ.
Jean Zay est rebaptisé par la droite de l’Assemblée « ministre de la Récréation nationale », et par d’autres « le ministre de l'école sans dieu » car son arrivée au ministère marque aussi un nouveau tour de vis concernant le respect de la laïcité dans les écoles publiques.
En septembre 1939, beaucoup d’instituteurs sont mobilisés et il est nécessaire de combler les postes vacants. Un recrutement de personnel auxiliaire est effectué pour la durée des opérations militaires.
L’enseignement de la défense passive est obligatoire dans les écoles primaires. Celle-ci indique les mesures à prendre pour limiter les risques encourus par les populations civiles, du fait des bombardements aériens. Les instituteurs effectuent des exercices d’alertes et on aménage, quand cela est possible, des abris dans les locaux.
Une campagne de ramassage des vieilles ferrailles, destinées à ravitailler à moindres fais, les usines d’armement, est lancée par le gouvernement. Le ramassage est stimulé par une rétribution de 15 francs pour cent kilogrammes qui peut être versée à la coopérative scolaire.
La victoire allemande de juin1940 met fin à la IIIe République.
En 1923, Paul Lapie donne de nouvelles instructions. "Mieux vaudrait moins apprendre mais bien retenir ; mieux vaudrait moins de souvenirs, mais des souvenirs complets et ordonnés". Les nouveaux programmes sont deux fois plus courts que les anciens. Les programmes de 1887 de Buisson, inspirés par O.Gréard, étaient concentriques, Paul Lapie au contraire conseille une méthode plus progressive ; il veut éviter de donner aux enfants l'impression de rabâcher.
Le droit syndical est accordé aux instituteurs en 1924.
Le décret du 12 septembre 1925 permet aux instituteurs d'enseigner dans les classes élémentaires du secondaire. Quelques mois après, les programmes des classes élémentaires des lycées deviennent ceux de l'enseignement primaire.
Les enseignements parasitaires de l’école primaire
Citons quelques-uns de ces enseignements qui se sont greffés sur le programme initial et essentiel de l’école primaire et qui, parce qu’ils tirent à eux toute la sève, ont été qualifiés fort justement par les instituteurs de végétations parasitaires.
Nous eûmes les bataillons scolaires, qui prenaient quelques heures par semaine, mais ils n’empiétaient tout de même pas sur l’étude de l’orthographe. L’instruction civique connut de beaux jours, lorsqu’on eut demandé aux instituteurs de faire, sinon tout à fait les élections, au moins de bons électeurs. On apprit à lire dans la déclaration des Droits de l’Homme, on rn récita les articles à la place des fables de la Fontaine, et beaucoup d’enfants ne connurent des lettres françaises que le manuel de Paul Bert et celui de Pierre Laloi. Le travail manuel fut en grand honneur à l’époque de la création des ateliers du bois et du fer. L’enseignement moral, pendant quelques années, se fit envahissant. Toutes les leçons de l’école devaient l’avoir pour principal objet. Il fallut inventer des problèmes pour illustrer le devoir de probité, et si les classiques français n’ont pas songé à écrire en faveur des sociétés de secours mutuels, des poètes pédagogues y suppléeront…
Le calcul mental connut sa petite vogue. Lorsqu’on eut inventé la méthode intuitive, chacun se crut obligé de composer un musée scolaire… On eut des jardins scolaires, on démontra, par des semis et des plantations en pots de fleur, la valeur des différents engrais, et l’enseignement de l’agriculture se constitua… L’enseignement de l’agriculture alla jusqu’à exiger qu’une place spéciale lui fût faite au certificat d’études…
L’épreuve de dessin, qui n’était imposée qu’aux écoliers des villes, est maintenant exigée de tous. Le dessin ! On peut bien dire que jamais mode pédagogique ne fut mieux lancée que celle du dessin enseigné d’après la nouvelle méthode ! … on organisa des expositions de dessins d’enfants, des journaux professionnels instituèrent des concours entre les écoles ; bref, durant quelques saisons, le dessin fit fureur. On dessina à propos de tout…
La guerre est venue interrompre une aussi belle carrière, qui se serait d’ailleurs, selon toutes probabilités, fermée d’elle-même, car ces modes pédagogiques avaient cela de commun d’être éphémères.
Le plus tenace, le plus envahissant, le plus féroce, le plus laid -- et le plus inefficace — de ces enseignements parasitaires qui sont venus surcharger les programmes de l’école primaire est sans contredit l’enseignement de l’anti-alcoolisme… Songez à ce que doit être la journée qu’il est d’usage, dans certaines écoles, de réserver chaque semaine et de consacrer tout entière à l’enseignement de l’anti-alcoolisme, depuis la leçon de morale du matin jusqu’à la narration, à la page d’écriture, aux problèmes d’arithmétique et à l’exercice du dessin qui clôt le travail du soir. Oh ! Ces images grimaçantes, ces photographies de viscères malades, ces maximes tristes qui tapissent les murs des classes de nos écoles primaires.
Ce n’est pas que ces enseignements spéciaux soient mauvais en eux-mêmes, et qu’ils poursuivent un but qui ne soit pas louable. Ils ne deviennent une calamité que lorsqu’on les érige en systèmes, lorsqu’on les constitue à part, avec tout un attirail de manuels, de leçons, d’exercices et de résumés…
Que l’on veuille bien maintenant considérer la situation du pauvre maître d’une école rurale. Il est, en même temps qu’instituteur, secrétaire de la mairie. Il passe ses veillées aux écritures qu’exige une administration de la chose publique et des intérêts particuliers de plu en plus compliquée et centralisée ; il est dérangé, aux heures des repas, s’il n’y prend garde, par les nombreux clients des affaires dont l’Etat, les départements et les communes prennent la charge. Ses jeudis et ses dimanches sont envahis par les œuvres post-scolaires, les sociétés d’anciens élèves, la préparation militaire, les exercices de tir. Il ne lui reste, tout sec, pour apprendre à ses élèves les éléments de l’instruction primaire, que les six heures règlementaires de classe… (La réforme de l’école primaire de Pierre Dufrenne, Inspecteur de l’Enseignement primaire. Nouvelle Librairie Nationale, 1919)
La distribution du lait dans les écoles
L'Office du lait de Paris expérimente des distributions gratuites de lait dans les écoles de Paris et du département de la Seine.
Durant trois ans, de 1931 à 1933, plus de 6000 écoliers ont été soumis à ces expériences de suralimentation lactée.
Résultats : "On peut voir que les élèves ayant pris régulièrement du lait ont plus augmenté en poids et en taille que les enfants n'ayant pas bu de lait placés dans les mêmes conditions".
Carte murale Vidal-Lablache N° 13, Europe politique, année 1920.
Impression sur zinc Dufrenoy, Paris.
Le 3 juin 1932, le ministère de l'Instruction publique est rebaptisé
Ministère de l'Education Nationale lors de la formation du troisième cabinet Herriot.
Le brevet supérieur est exigé aux instituteurs.
Un "examen d’entrée en sixième" est créé par deux arrêtés successifs (du 1° septembre 1933 et du 13 février 1934) à la suite de la décision de rendre progressivement gratuit l’accès aux classes de l’enseignement secondaire des lycées et collèges publics. Il est institué un examen écrit ayant pour but de fournir un élément uniforme d'appréciation aux commissions chargées d'établir la liste des élèves justifiant d'une instruction suffisante pour être admis en classe de 6ème dans les établissements publics d'enseignement secondaire.
En 1936, c’est la victoire du Front populaire qui réalise d’importantes réformes sociales.
Dans les premiers jours de juin 1936, à 31 ans, Léon Blum nomme Jean Zay, ministre de l'Education et des Beaux-arts.
Sa toute première réforme mise en place, votée le 6 août 1936, est la prolongation à 14 ans de l'obligation scolaire. Prolonger ainsi la scolarité signifie une augmentation d'écoliers. Cette classe de fin d'études primaires est destinée à les préparer à la vie active qui les attend. Il laisse aux instituteurs et institutrices toute liberté d'initiative, ce qui est révolutionnaire.
- Jean Zay, ministre de l'Éducation nationale et des Beaux-Arts.