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 Seconde République 1848-1852

Les élections pour l'Assemblée Constituante du 23 avril 1848


Si dans les villes on peut compter sur les suffrages des ouvriers et de la petite bourgeoisie, à la campagne on risque d'avoir une majorité conservatrice hostile aux réformes. La seule personne pouvant défendre la cause de la République est l'instituteur, influent auprès des populations rurales.

Louis-Arsène Meunier, le 1er mars demande à ses collègues de se lancer résolument dans la compétition électorale et de mettre leur influence au service de la République. Que dans sa commune, chaque instituteur proclame hautement ses sympathies pour les institutions républicaines qu'il en explique les bienfaits à ses concitoyens, qu'il les rassure et les tranquillise sur l'avenir, qu'il les éclaire sur les droits qu'ils vont avoir à exercer et spécialement qu'il les guide dans le choix des députés qu'ils vont avoir à nommer.

Carnot les appelle à la défendre contre l’ignorance et le mensonge.

Dans sa circulaire du 6 mars, il invite les instituteurs à briguer le mandat législatif. Qu’une ambition généreuse s’allume en eux, qu’ils oublient l’obscurité de leur condition, … qu’ils viennent parmi nous au nom de ces populations rurales dans le sein desquelles ils sont nés, dont ils savent les souffrances, dont ils ne partagent que trop la misère ; qu’ils expriment dans la législature les besoins, les vœux, les espérances de cet élément de la nation si capital et si longtemps délaissé.

Dire qu’un bon maître d’école peut être un bon député c’est, remarque Jules Simon, scandaliser les licenciés et bacheliers qui garnissent les bancs de l’Assemblée.

Libérés de la dépendance dans laquelle ils végétaient, il est naturel que les instituteurs s’agitent.

Aux yeux de Carnot, les instituteurs ne sont pas seulement les éducateurs de la Nation, ils en deviennent les guides : ils ont à préparer les adultes à l’exercice de la souveraineté.

Pour les aider dans leur tâche, le ministre demande que l’on compose pour eux de courts manuels par demandes et par réponses sur les droits et les devoirs du citoyen ; Les manuels d’enseignement civique se multiplient sous toutes les formes. Les manuels remarqués par la haute commission des études sont surtout ceux de Ducoux (Catéchisme Républicain), d’Henri Martin (Manuel de l’Instituteur pour les Elections) et Charles Renouvier (Manuel républicain de l'homme et du citoyen)

L'Eglise, ayant compris la leçon de 1830, qui s'était rallié au nouveau régime et attendait des mesures de reconquête scolaire, comprenant les intentions de Carnot, condamne sa politique aventureuse et trouve l'appui de la bourgeoisie voltairienne et libérale, portée au pouvoir en 1830.

La bourgeoisie conservatrice découvre le risque que les instituteurs font courir à sa toute puissance politique et à sa domination sociale.

La conversion de Thiers est caractéristique de la haine du socialisme : A l'égard du clergé, je crois la situation changée et la conduite changeable nécessairement. Sous le régime déchu, je craignais certaines influences du clergé ; aujourd'hui je regarde la religion et ses ministres comme les auxiliaires, les sauveurs peut-être de l'ordre social menacé…

Les forces conservatrices coalisées interviennent d'abord au village en menaçant l'instituteur de représailles s'il suit les appels de son ministre. Nombreux sont les instituteurs qui cèdent aux injonctions et s'abstiennent de toute activité dans la campagne électorale. Si l'instituteur résiste, on le traite des noms de socialiste, démagogue, anarchiste, rouge, communiste, on le traque comme un criminel.



Les élections des députés à l'Assemblée Constituante ont lieu le 23 avril (le jour de Pâques) au scrutin départemental de liste. A cette occasion, les Français votent pour la première fois au suffrage universel. Dans de nombreux villages les électeurs sont allés voter au chef lieu de canton, en cortège, curé en tête.

Une nette majorité républicaine est représentée.

L’esclavage est aboli le 27 avril 1848.

L’assemblée Constituante proclame la République le 4 mai 1848 et élabore la Constitution de

novembre 1848. 


Les résultats des élections est une déconvenue pour les instituteurs qui n'ont aucun élu.

Les adversaires renforcent leur attaque. Meunier écrit : Les prophéties de Messieurs les Curés s'accomplissent à la lettre ; c'est une croisade en règle contre les instituteurs et plus encore contre l'instruction primaire.

Les instituteurs n'ont plus d'appui que dans la bonne volonté d'un ministre dont tous espèrent qu'il saura mettre un terme à ces iniques complots.

  

Extrait de la circulaire d'Hippolyte Carnot aux recteurs, le 6 mars 1848.


"il n'est aucune partie de l'instruction primaire qui ait été plus négligée, sous les précédents gouvernements, que la formation des enfants comme citoyens. Cela devait être. Mais c'est une négligence dont il est à craindre, si nous n'y prenons garde, que nous ne supportions aujourd'hui le dommage...

Il ne faut pas nous le dissimuler : beaucoup de citoyens, surtout des campagnes, ne sont pas suffisamment instruits de leurs droits, et par conséquent de leurs devoirs. Ils ne savent pas quels sont les bienfaits que le peuple doit attendre de l'Etat républicain, et, par conséquent, combien peu il leur est permis d'être indifférents au choix des hommes qui, dans quelques jours, vont revêtir le caractère auguste de mandataires de la nation. Ils commettraient un mensonge politique si leurs représentants ne les représentaient pas véritablement.

Je manquerais à mes devoirs, si je ne me préoccupais moi-même des moyens de remédier aussi promptement que possible à ce grand défaut...

La plus grande erreur contre laquelle il faille prémunir les populations de nos campagnes, c'est que, pour être représentant, il soit nécessaire d'avoir de l'éducation ou de la fortune...

...Que nos 36000 instituteurs primaire se lèvent donc à mon appel pour se faire immédiatement les réparateurs de l'instruction publique devant la population des campagnes. Puisse ma voix les toucher jusque dans nos derniers villages. Je les prie de continuer pour leur part à fonder la République! Il ne s'agit pas, comme au temps de nos pères, de la défendre contre le danger de la frontière ; il faut la défendre contre l'ignorance et le mensonge, et c'est à eux qu'appartient cette tâche..."

Adolphe Thiers dit :


"Si la loi de M. Carnot m'a tant effrayé, ce n'est pas pour avoir diminué les précautions pour l'admission dans l'enseignement, ou pour avoir encore exclu le clergé de la surveillance ; j'y ai vu quelque chose de bien plus funeste encore, c'est l'introduction de 37000 socialistes et communistes, véritables anticurés dans les communes."

Les lois Parieu et Falloux


Alors que tout semble être assuré pour la loi, on assiste, dans l'automne 1849, a un revirement de l'opinion dans un sens favorable aux instituteurs laïques. Les excès mêmes des accusations portées contre eux les favorisent, car le plus souvent ils se sont abstenus de toute activité politique. Les instituteurs réagissent contre les accusations imméritées dont ils sont victimes.

L'administration universitaire les défends. Ils sont aussi soutenus par les religions minoritaires inquiets des prétentions du clergé et des conservateurs restés voltairiens craignant de voir l'église et les congrégations triompher.

Le président de la République, sans doute sous l'action du vice-président de la République Boulay de la Meurthe, d'accord avec les conservateurs pour briser le parti démocrate, comprimer l'enseignement primaire et écarter de l'école les instituteurs socialistes, n'entend pas, cependant édifier sur leurs ruines la domination du parti prêtre. Le parti de l'Elysée se place entre la révolution et la réaction.

Le mauvais état de santé de Falloux permet de confier l'instruction publique à un homme nouveau, de Parieu.

Le projet Falloux est renvoyé au Conseil d'Etat par l'Assemblée. Hostile à ce renvoi, la droite redoute les modifications que pourraient introduire les conseillers d'esprit moins conservateur.

L'adoption de la grande loi devenant incertaine, pour régler le problème urgent des instituteurs, le ministre de Parieu fait voter une loi d'exception pour une durée de six mois. Le but de cette loi est de permettre au gouvernement de faire révoquer par ses préfets les instituteurs républicains, que la droite accuse d'être des agents de désordre et d'immoralité, ces conspirateurs de bas étage, ces affreux petits démagogues, comme les appelle Montalembert.

De Parieu rappelle aux préfets, les instituteurs ne sont pas destinés à jouer un rôle politique. Vous n'avez point de service de cette nature à leur demander, mais vous ne devez pas tolérer qu’ils  prennent jamais une attitude hostile au gouvernement qui les institue.

Certains évaluent à 4000, voir 7000 selon Meunier, le nombre des instituteurs frappés par la loi Parieu. Officiellement, le nombre des sanctions est de 1163 ; 303 suspensions pour moins de six mois, 199 suspensions pour six mois, 671 révocations.

Plusieurs actions judiciaires sont engagées  contre des instituteurs libres ; Perot et Gustave Lefrançais (Association fraternelle des instituteurs, institutrices et professeurs socialistes) sont condamnés à l'interdiction à vie d'exercer leur profession d'instituteur… Les deux accusés étaient prévenus d’inconduite et d’immoralité notoire, leur programme d’éducation socialiste constituant un outrage à la morale, à la religion, à la famille… et à la propriété. Meunier subit le même sort.

Les instituteurs frappés recueillent des marques de sympathie de la part des populations où ils vivent. Une campagne nationale de souscription est créée pour leur porter secours. La plupart s'orientent vers l'enseignement privé, une minorité abandonnent la profession. Sous l'Empire plusieurs demanderont leur réintégration qu'ils obtiendront lorsqu'ils ne s'étaient pas trop compromis.

Ainsi la loi Parieu, élimine du corps des instituteurs les éléments socialistes et républicains.

Après le Conseil d'Etat le projet Falloux revient à l'Assemblée.

Le parti de l'Elysée voulant ajourner la rupture avec les conservateurs soutient les dispositions essentielles du projet.

Le 15 mars 1850, la loi Falloux est votée.

Loi Falloux 15 mars 1850

Projet de loi de Carnot

De Falloux explique :


«L'instruction est demeurée trop isolée de l'éducation ; l'éducation est demeurée trop isolée de la religion. Le temps n'est plus, grâce à Dieu, où l'on faisait à la religion l'insulte de croire que, complice de l'ignorance, elle servait d'instrument docile à tous les gouvernements. Nous voulons que la religion ne soit imposée à personne, mais enseignée à tous… Mais pour que la religion communique à l'éducation sa puissance, il faut que tout y concoure à la fois, et l'enseignement, et le maître. C'est le but que nous avons tâché d'atteindre autant qu'on peut le faire par des mesures législatives, en confiant au curé ou au pasteur la surveillance morale de l'école primaire. »

Vers le bonheur par l'école laïque, de Pierre Dubois, Librairie Gédalge.

Mon arrière grand-père, qui exerçait encore à quatre-vingts ans, il fut tout simplement révoqué et traîné en prison malgré son grand âge. Il était accusé d'avoir fait de la propagande républicaine.

LE CHARIVARI du 25 janvier 1850.

"Nouvelle loi sur l'enseignement : - Ce sont les instituteurs qui reçoivent la férule."

De Charles Vernier

La fin de la République


Louis Napoléon dissout l’Assemblée nationale par le coup d'état du 2 décembre 1851.

Un plébiscite, les 21 et 22 décembre, approuve le fait accompli à une écrasante majorité.


Au lendemain du coup d'Etat, le président place à la tête de l'instruction publique un homme dépourvu de scrupules Fortoul, qui sera ministre du 3 décembre 1851 au 1er juillet 1856.

Le décret-loi du 9 mars 1852 délit en partie l'œuvre de la loi de 1850, qui, par la création du Conseil supérieur, a ruiné l'organisation de l'ancienne Université ; ce décret, tout en laissant subsister ce Conseil, le place entièrement entre les mains du prince-président, qui a le droit d'en nommer les membres.


Un autre plébiscite, les 21 et 22 novembre 1852, met fin à la République par un vote massif.

« Il y a quelque chose de faux et d’antisocial dans les principe qui sert de mobile à la charité privée : c’est la supposition qu’à tout jamais il doit exister une classe pauvre vivant des libéralités du riche… Il faut que la prévoyance sociale qui ne place nul homme dans la dépendance d’un autre homme, mais chacun sous la protection de tous, s’attache à ne laisser aucun citoyen inutile dans l’Etat, aucun sans les moyens de se créer à soi-même un avenir. » Hippolyte Carnot

Les réformes de Carnot


Pendant son ministère de quatre mois, l’attention de Carnot se porte successivement sur la première enfance, sur l’enfance scolaire et sur les adultes.

Les salles d’asile ne sont guère que des établissements charitables dirigées par les religieuses. On y fait peu pour l’éducation de la première enfance. Leur nom qui rappelle des idées de misère et d’aumône est remplacé par celui d’école maternelle : l’enfant doit y retrouver l’éducation qu’il ne peut recevoir de sa mère, c’est-à-dire les soins du corps, le langage du sentiment, et ces petits exercices destinés, non pas encore à meubler l’intelligence, mais seulement à l’entrouvrir. Dans la pensée de Jean Reynaud (sous-secrétaire d'État à l'instruction publique) et de Carnot, la salle d’asile n’est ni une école d’instruction, ni un lieu de refuge pour les enfants privés de leur parents.

Un arrêté du 28 avril installe officiellement l’Ecole maternelle normale dans la maison de la rue Saint-Paul. Elle est dirigée par Madame Pape-Carpentier. (voir page Les salles d'asile)

Carnot veut favoriser l’accession des enfants les mieux doués aux degrés supérieurs de l’instruction. L’Etat doit indistinctement à tous, l’enseignement élémentaire, mais il ne remplirait pas tout son devoir s’il ne facilitait pas les études complémentaires aux jeunes gens « que la fortune a moins heureusement dotés que la nature.

Le gouvernement provisoire a dans ses intentions de pousser à la diffusion de l’enseignement agricole dans les écoles primaires et dans les écoles normales. Il sera facile, dit Carnot, dans sa circulaire du 27 février, de soutenir la théorie par la pratique, en joignant aux expériences qui peuvent se faire dans les jardins des écoles, l’observation raisonnée des travaux agricoles des environs.  L’instruction agricole ferait aimer la République et attacherait les fils de cultivateurs à la carrière de leur père.

La question de l’éducation des filles tourmente à juste titre les hommes de 1848. De l’éducation de la femme dépendent l’unité morale de la famille, l’union du ménage, la communauté des croyances. La faiblesse de l’enseignement dans les écoles de filles tient surtout à l’infériorité pédagogique des congréganistes qui les dirigent. La lettre d’obédience constitue un privilège à leur profit : Carnot la supprime le 5 juin et astreint les institutrices au brevet de capacité.

Il y a, dans les premiers mois de 1848, un admirable mouvement en faveur de l’enseignement des adultes. Le 29 mars, treize professeurs fondent l’Association Philotechnique destinée à donner aux ouvriers les connaissances professionnelles et techniques nécessaires. On crée, les 4 mai et 17 juin 1848, un service officiel des lectures publiques du soir. Ces lectures sont destinées à initier le peuple à la connaissance de nos chefs-d’œuvre ;  elles doivent remplacer les bals et le cabaret.


Malgré une situation dégradée, Carnot dépose le 30 juin son projet de loi.

La presse catholique et conservatrice se déchaîne contre ce projet et tous les Républicains ne le soutiennent pas.

Le projet Carnot


 Il ne s’agit plus seulement de mettre les enfants en mesure de recevoir les notions de la lecture, de l’écriture et de la grammaire ; le devoir de l’Etat est de veiller à ce que tous soient élevés de manière à devenir véritablement dignes de ce grand nom de citoyen qui les attend. L’enseignement primaire doit par conséquent renfermer tout ce qui est nécessaire au développement de l’homme et du citoyen, tel que les conditions actuelles de la civilisation française permettent de les concevoir.

L’enseignement primaire doit être obligatoire et gratuit parce que, sur les bancs des écoles de la République, il ne doit pas exister de distinction entre les enfants des riches et les enfants des pauvres.

Carnot est pour la liberté de l’enseignement, c’est-à-dire pour le droit de tout citoyen de communiquer aux autres ce qu’il sait et de faire élever ses enfants par l’instituteur qui lui convient.

Le certificat de moralité disparaît. L’enseignement religieux ne fait pas partie intégrante du programme primaire, mais il est maintenu à condition d’être donné par les ministres des différents cultes. L’enseignement primaire doit concourir plus directement à l’éducation morale et particulièrement à la consécration des principes de fraternité. C’est là, ajoute Carnot, qu’il vient se joindre à l’enseignement religieux qui n’est pas du ressort des écoles, mais auquel nous faisons un appel sincère, à quelque culte qu’il se rapporte, parce qu’il n’y a point de base plus solide et plus générale à l’amour des hommes que celle qui se déduit de l’amour de Dieu.

La chute de Carnot et l'élection présidentielle


En juillet 1848, Carnot est le seul ministre resté debout depuis les barricades de Février.

Après les journées de Juin, l’idée démocratique perd du terrain. Le projet, froidement accueilli par l’Assemblée, est renvoyé non au Comité de l’Instruction publique, mais à une commission spéciale.

Dès le 28 juin, De Falloux, un des chefs de la réaction, demande à Carnot son retrait du ministère présidé par Cavaignac afin d’assurer une majorité au nouveau pouvoir mais celui-ci lui demande de rester.

Dans la séance publique du 6 juillet, où il s’agit de voter un crédit d’un million pour parfaire, pendant le second semestre 1848, aux traitements annuels des instituteurs au-dessous de 600 francs, Bonjean, chargé par l'opposition de mener l’attaque, se plaint que le ministre ait patronné le manuel de Charles Renouvier qui contient des assertions contestables. Il en cite les passages les plus hardis, mais en dénature le sens.

Avant cette journée, Carnot ne connaissait pas ce manuel dont il avait autorisé la publication sur la foi de Jean Reynaud que les mots n’effrayent pas. Contrairement aux déclarations de Bonjean, le livre n’est pas destiné aux enfants, mais aux instituteurs en vue de l’enseignement des adultes. Carnot n’est pas homme à reculer devant les responsabilités. Il rappelle son souci d’organiser l’enseignement civique, de favoriser par la culture l’accès des hautes fonctions aux citoyens des campagnes. Quant au manuel de Renouvier, on peut en contester certains principes, mais cela est du domaine de la libre discussion.

Le frère du philosophe, Jules Renouvier, en appelle vainement au livre tout entier contre les conclusions qu’on a voulu tirer de quelques lignes perfidement choisies.

Las et dégouté du pouvoir, Carnot donne sa démission le soir même. Le lendemain, Jean Reynaud et Charles Renouvier quittent leurs fonctions de président et de secrétaire de la commission des études.

Le projet Carnot est renvoyé le 12 juillet à une commission présidée par Barthélemy Saint-Hilaire, dont le secrétaire est Jules Simon.


La nouvelle administration recommande l'abstention politique et Rendu, dans deux lettres aux instituteurs, leur énumère les devoirs que leur impose le nouvel Etat politique français.

Les instituteurs publics sont accusés de favoriser la remise en cause de l'ordre social.


Le premier scrutin présidentiel est organisé le 10 décembre 1848.

Le prince Louis Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon 1er, est le premier Président de la République française.


Dès son entrée en fonctions comme président, il choisit comme ministre de l’Instruction publique de Falloux qui l’avait soutenu.

Le 4 janvier 1849, de Falloux retire le projet Carnot qui ne met pas assez l'accent sur la religion et la morale, qui substitue arbitrairement l'Etat au père de famille et la centralisation purement administrative à l'autorité de la commune.


La Constituante se sépare sans avoir rien voté sur l’enseignement primaire.

  

Le 23 février 1848, une nouvelle révolution éclate à Paris ; Louis-Philippe abdique et quitte la France.

La Seconde République est proclamée. Le suffrage universel est institué. La devise de la France devient : « Liberté, égalité, fraternité ». L’esclavage est aboli.


La loi scolaire s'inscrit en tête des réformes à réaliser par la République naissante.

Le ministre Carnot chargé de l'Instruction publique et des cultes lance un certain nombre de circulaires.

Dans celle du 27 février, il écrit : la condition des instituteurs primaires est un des objets principaux de ma sollicitude... Il n'importe pas seulement d'élever leur condition par une juste augmentation de leurs appointements, il faut que la dignité de leurs fonctions soit rehaussée de toutes manières ; il faut qu'au lieu de s'en tenir à l'instruction qu'ils ont reçue dans les écoles normales primaires, ils soient constamment sollicités à l'accroître...

Les élections législative de mai 1849


L'orientation de la politique scolaire est liée au résultat des élections législative de mai 1849.

Les instituteurs sont toujours sollicités par les socialistes. Sentant gronder l'orage, Meunier donne des conseils de modération.

A droite on intervient pour effrayer les instituteurs afin qu'ils s'abstiennent dans la campagne électorale. De Falloux annonce que des mesures disciplinaires seront prises.

Malgré les menaces, des centaines d'instituteurs s'engagent dans la mêlée électorale. Moins nombreuses mais plus résolues, leurs interventions sont plus actives, plus efficaces.

Après les bourgeois voltairiens de 1830, jadis promoteurs de le loi Guizot, les républicains modérés eux-mêmes abandonnent l'instituteur, c'est le cas de Lamartine, le poète de la République, ému des désordres persistants.

L’Assemblée législative est composée d’une écrasante majorité de monarchistes hostiles à la République. La presse de droite, notamment les feuilles catholiques, se déchaînent contre les instituteurs. Montalembert (président du Comité de la liberté religieuse) écrit : la loi de 1833, en créant des instituteurs inamovibles dès l'âge de 18 ans en présence du curé et du maire amovibles, a commis un véritable attentat contre l'ordre social et le bon sens. Ces jeunes gens, notamment ceux formés dans les Ecoles normales, se sont naturellement regardés comme les premiers magistrats de la commune et, après avoir été salués comme les pontifs de la civilisation et du rationalisme, ils se sont érigés en apôtres du socialisme. La majorité, devenue franchement réactionnaire, apeurée par le péril social, veut mettre l’école primaire sous la dépendance de l’Eglise.

Maintenu dans le second ministère, De Falloux travaille avec ardeur à sa nouvelle loi qui portera son nom. Ce que cherche Falloux et ses amis, c’est briser le monopole universitaire, au nom de la liberté et ruiner les progrès réalisés par l’enseignement primaire sous la Monarchie de juillet.

Les conférences d'instituteurs sont suspendues provisoirement par le ministre qui les menace de sanctions s'ils s'obstinent à se mêler de politique.

Falloux dépose son projet de loi remaniant de fond en comble l'organisation de l'instruction publique. Il prend la loi de 1833 pour base, en corrige les dispositions jugées vicieuses. J'ai conservé avec bonheur et respect ce que l'expérience permet de conserver ; j'ai réformé sans timidité lorsque l'intérêt de la Société en péril me faisait évidemment violence.

Elle permet au clergé de s’approprier l’enseignement primaire par la soumission directe et par la concurrence.

Pour ruiner l’enseignement public au profit de l’enseignement que l’on a appelé plus tard « libre », on autorise les conseils municipaux à faire tenir l’école par des religieux desquels nul brevet de capacité et certificat de moralité ne sont exigés.

L’instituteur public doit enseigner la religion, conduire les élèves aux offices et donner l’exemple de la dévotion. Il est sous la coupe du Conseil municipal et du curé. Des délégués cantonaux servent d'intermédiaires entre les surveillants locaux et l'autorité académique.

Le Conseil d'Etat et le Recteur ont la faculté de révoquer l'instituteur communal. Les instituteurs seraient formés dans les Ecoles normales ou dans des établissements d'instruction primaire habilités à recevoir des stagiaires si le Conseil général supprimait l'Ecole normale.

Le programme est allégé afin d'éviter le déclassement social par une trop grande vulgarisation des connaissances.


Les catholiques et conservateurs approuvent unanimement. A gauche, la condamnation est générale.

Département de l'Oise, Arrondissement de Clermont, canton de Liancourt, commune d'Angicourt.

Liste des enfants qui seront admis gratuitement, pendant l'année 1853, dans l'école primaire publique dirigée par M. Hémery, laquelle liste est dressée conformément à l'article 45 de la loi organique du 15 mars et à l'article du 7 octobre 1850.

Chaque année, à l'époque fixée par le Recteur, le maire dresse, de concert avec les ministres des différents cultes, la liste des enfants qui doivent être admis gratuitement dans les écoles publiques. Cette liste est approuvée par le conseil municipal et définitivement arrêté par le préfet.

Louis-Arsène Meunier (1801-1887)


Instituteur, pédagogue et propagandiste républicain, né à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir).


Après la Révolution de Juillet, il est l'un des premiers à protester contre les usurpations de la nouvelle royauté.

En 1832, à la suite d'un concours, il devient directeur de l'Ecole Normale d'Evreux. Il professe ouvertement les principes démocratiques.

Il crée et dirige de 1836 à 1842 le cours d'adultes gratuit d'Evreux. Il est membre d'un comité supérieur des sociétés libres, membre de la Société pour l'Instruction élémentaire, enfin, membre de la haute commission des études scientifiques et littéraires établie en 1843 auprès du ministre de l'Instruction publique.

Pendant dix ans, il lutte avec courage contre la persécution politique et cléricale. Destitué trois fois à cause de ses opinions jusqu'à refusant de céder aux séductions du pouvoir et de défendre ses idées avec plus d'indépendance, il donne sa démission pour devenir instituteur privé à Paris. Il consacre sa plume à la cause du progrès et de l'enseignement, qui en est inséparable.

En janvier 1845, il lance l'Echo des Instituteurs. Journal de combat qui se propose un double objet : révéler le mal, montrer le remède.

Il prend une part importante à la journée du 24 février 1848 et la fermeté de ses sentiments républicains, son ardeur, sa volonté d'action sont un des éléments du triomphe des forces populaires.

Accusé de communisme, au cours de la campagne électorale, dans l'Eure en 1849, il s'en défend véhémentement, se déclare un ardent défenseur de la famille et de la propriété. Sa candidature suscite contre lui une véritable levée de boucliers : curés, maires, percepteurs, notabilités, tous ceux qui craignent pour leur situation s'en mêlent ; la calomnie le devance dans sa campagne électorale et assure son échec à l'Assemblée Nationale.

Dès l'automne 1849, il tente de mettre sur pied une association pour l'enseignement laïque qui patronnerait les écoles privées et les soutiendrait financièrement. Une trentaine d'instituteurs répondent à son appel et se réunissent régulièrement chez lui pour mettre au point ce projet. Après une descente de police, le projet d'association est abandonné.

En avril 1850, il est traduit en justice parce que, dans l'Echo des Instituteurs, il prodigue à ses collègues les conseils les plus coupables et professe les théories les plus subversives. Le 10 mai 1850, le procès se termine par un acquittement mais le ministère public fait appel. Le 25 juillet 1850, la Cour d'Appel condamne Meunier à l'interdiction perpétuelle. Meunier doit abandonner son école cependant que la loi sur la presse du 16 juillet 1850 met fin à l'existence de son journal.

Le 2 décembre 1851, il est arrêté accusé de complot contre la sûreté de l'Etat et de détention d'armes de guerre. Il est exilé à Anvers.

  

- Lettre aux instituteurs de Parieu.

- Loi de Parieu du 11 janvier 1850.

FALLOUX


Alfred-Pierre de Falloux est né à Angers le 7 mai 1811. Son père était un riche commerçant qui reçut en 1825, en récompense de services rendus à la cause des Bourbons, le titre de comte. Alfred de Falloux se fait d'abord connaître, à vingt-neuf ans, par la publication d'une Histoire de Louis XVI (Paris, 1840). En 1843 il s'associe à MM. de Montalembert et de Vogué pour la fondation de la revue catholique le Correspondant. Il entre en 1846 à la Chambre des députés, où ses discours en faveur de la liberté de l'enseignement lui acquièrent promptement une certaine notoriété. Après la révolution de Février, il fait adhésion à la République, mais avec le ferme propos de travailler de tout son pouvoir au triomphe de l'Eglise et de la légitimité. Elu représentant du peuple par le département de Maine-et-Loire, il devient, à l'Assemblée constituante, membre de la commission du travail, et son rapport sur les ateliers nationaux provoque l'insurrection de Juin.

Après l'élection de Louis-Napoléon Bonaparte à la présidence de la République, M. de Falloux, « à la surprise de beaucoup de gens et surtout à la sienne » reçoit le portefeuille de l'instruction publique et des cultes (20 décembre 1848).

Lazare Hippolyte Carnot


Fils de Lazare Carnot, né à Saint-Omer le 18 thermidor an IX. En 1815, il suit son père en exil, et il ne rentre en France qu'en 1823. Il se destine au barreau, mais renonce à cette carrière à cause de l'obligation du serment de fidélité à la dynastie. Il prend place dans les rangs de l'opposition qui lutte contre les Bourbons.

Il entre dans la vie politique en 1839 comme député de Paris. Réélu en 1842 et en 1846, il fait parti de l'opposition radicale. Lorsque le gouvernement de Louis-Philippe est renversé, le gouvernement provisoire qui vient de se constituer à l'hôtel de ville offre à Hippolyte Carnot le ministère de l'intérieur ; il refuse, mais accepte celui de l'instruction publique, auquel on joint les cultes, qui jusqu'alors relevé du ministère de la justice. Le nouveau ministre appelle auprès de lui, comme ses principaux collaborateurs, Jean Reynaud et Edouard Charton, deux anciens saint-simoniens comme lui. :  Si Carnot a souhaité que les cultes soient réunis à l'instruction publique, c'est que non seulement il n'a aucun sentiment d'hostilité à l'égard de l'Eglise, mais qu'il croit voir dans une étroite alliance de la République et du clergé la meilleure garantie du progrès.  Le ministre de la religion et le maître d'école sont à mes yeux les colonnes sur lesquelles doit s'appuyer l'édifice républicain. »

Le comte Charles de Montalembert, (1810-1870), est l'un des champions les plus éloquents du principe de la liberté d'enseignement telle que l'entend l'Eglise catholique.

Ecole des petites orphelines, François Bonvin (1850)

L'intérim d'un instituteur suspendu de ses fonctions. Le Charivari