L'écolier
3. Récompenses et punitions
Récompenses
La louange, l'éloge et les félicitations, représentaient les récompenses les plus courantes dans l'école d'autrefois.
Le maître a matérialisé dans sa classe un système de récompenses qu'il a gradué,
Bons points, témoignages de satisfaction, tableau d'honneur, banc d'honneur, compositions hebdomadaires, distribution solennelle des prix ; que dirons-nous encore ? Médailles et rubans pour les filles, croix d'honneur pour les garçons, livrets de caisse d'épargne, etc. Tout cela peut être utile assurément, mais tout cela ne l'est pas au même degré, et, pour dire toute notre pensée, nous trouvons que même les meilleurs parmi ces moyens d'émulation peuvent devenir dangereux, et qu'il n'en est aucun qu'il ne faille employer avec une extrême prudence. Les bons points et le tableau d'honneur nous plaisent parce qu'ils ne font pas appel à l'esprit de rivalité proprement dit, mais à un ensemble d'efforts intellectuels et moraux qui constituent le mérite de l'écolier. Les compositions hebdomadaires et les distributions de prix, malgré leurs inconvénients divers, servent à établir un classement qui, sans être aussi rigoureux que dans l'enseignement secondaire peut donner d'utiles indications aux élèves, aux maîtres, aux familles. Le banc d'honneur nous plaît moins, parce qu'il matérialise en quelque sorte clans l'école même la récompense décernée, et que, par des divisions un peu blessantes, il peut faire naître la jalousie, là où se forment d'habitude les plus solides liens d'amitié. Les distinctions sous forme de croix et médailles portées hors de l'école risquent d'éveiller une ridicule vanité : Qu'y a-t-il de plus sot qu'un bambin de dix ans se promenant gravement dans les rues avec une croix d'honneur ou un ruban sur la poitrine? Il se contemple et se croit un personnage : les passants le regardent, et ses parents ne se sentent pas d'aise. Ne voit-on pas le danger qu'il y a à accorder une telle importance à un enfant, à donner à sa famille des espérances qui ne se réaliseront pas, à attirer l'attention du public sur ce mérite destiné vraisemblablement à s'éclipser si vite? (Dictionnaire Buisson)
Le plus gros succès auprès des élèves était le bon-point. Il servait de monnaie d'échange afin d'acquérir une récompense plus importante ou à racheter une punition. Dix bons points pouvaient être échangés, le samedi, contre une image. La croix d'honneur était remise aux meilleurs élèves. Elle était suspendue à leur cou à l'aide d'un ruban ou épinglée sur leur blouse pendant huit jours et n'admettait aucune punition.
En fin de mois, un bon carnet de notes permettait d'obtenir des billets d'honneur ou de satisfaction et l''inscription sur le tableau d'honneur exposé dans l'école.
Bons points génériques
Billets d'honneur
Témoignages de satisfaction
Images
Documents
On doit bien se garder de frapper les écoliers, de la main, du pied, de la baguette ; il est tout à fait contre la bienséance et la gravité d’un maître de leur tirer le nez, les oreilles ou les cheveux ; de les frapper ou pousser rudement, ou de les tirer par le bras ; de leur faire faire des croix avec la langue, leur faire baiser les pieds des autres, les laisser trop longtemps à genoux, les mettre les bras en croix, etc. Il ne sera pas non plus permis d’enfermer les enfants dans quelque cabinet, de les laisser en pénitence après la classe, etc., etc. Leur faire mettre un bâillon, un bonnet d’âne, etc., ne pourrait être que le fait d’un maître inepte et sans expérience.
(Conduite des écoles chrétiennes, De La Salle, 1856)
Mémoires d’un vieux maître d’école
Au lieu de la baguette traditionnelle, s’égarant parfois sur les doigts des élèves paresseux ou insoumis, il importa dans notre école, la célèbre férule des frères de Caen, surnommés chez nous les Grands Chapeaux…Si, en effet, la baguette classique laissait parfois de regrettables traces, la férule, pour paraître plus bénigne, n’en était pas moins meurtrière. Il fallait voir les contorsions et les grimaces du pauvre patient appelé è faire l’épreuve de l’instrument nouveau : il allongeait la main, il la retirait ; il soufflait sur ses doigts pour calmer sa cuisante douleur ; ou poussait des cris de paon. (C-D. Férard, 1894)
Léon Chatry, instituteur
- Surtout, de la discipline ; de la discipline, avant tout. Vous faites une leçon, exigez que les bras soient croisés, les pieds alignés. Des bras se décroisent… vingt lignes ; un pied bouge : vingt lignes ; un élève répond à une question avant d’avoir levé deux doigts : vingt lignes. N’admettez aucune excuse, aucune réclamation. Si un élève n’est pas content, envoyez-le-moi ; je lui ferai exécuter une petite danse sans musique, qui lui ôtera l’envie de recommencer.
(Jules Leroux, 1950)
La férule est un instrument formé de deux morceaux de cuir cousus ensemble ; elle est longue de dix ou douze pouces, y compris le manche pour la tenir : elle a un manche et une paume qui est en ovale et a deux pouces de diamètre, avec laquelle on frappe dans la main ; le dedans de la paume est garni, afin quelle soit pas tout à fait plate, mais en bosse par-dehors.
L'heure de la retenue.
Melle M. Brémont, salon 1901
Bonnet d'âne.
A l'origine, ce traitement n'avait pas pour but d'humilier l'élève aux yeux de ses camarades. Au contraire, l'âne a toujours été considéré comme un animal intelligent. Et c'est en mettant le bonnet d'âne qu'on espérait transmettre cette intelligence à l'élève. La punition est généralement consommée debout tout seul dans un coin de la salle de classe. Mais au fil du temps, la punition a été perçue comme un moyen de ridiculiser l'élève en difficulté
- Gravure d'après le tableau de Georges Withmore dans L'Illustration Européenne de 1893.
Dans le Journal Illustré elle a pour titre : Une école de village en Angleterre, 1864.
Ancienne méthode physique et morale, pour graver profondément la science dans les jeunes cerveaux.
M. Courtin, Le Charivari, 1833.
Le martinet est formé d’une ou plusieurs lanières de cuir ou de chanvre, fixées à l’extrémité d’un manche. Des nœuds au bout des lanières sont destinés à rendre les coups plus sensibles.
Punitions
Les maîtres d’autrefois ne sont pas tendres avec leurs élèves. Ils ont souvent le verbe haut et la main leste, et ils n'hésitent pas à relayer celle-ci par quelques solides instruments comme la verge destinés à en appuyer les effets. (Pierre Giolitto, Abécédaire et férule, 1986)
Il faut extirper le mal tapi dans l’enfant pensent les pédagogue d’autrefois convaincus que la pente de la nature humaine est vers le bas. Le but de l’éducation est donc de dompter et museler l’animal rude, grossier, égoïste qui sommeille en eux. C’est la verge de la discipline qui chassera la folie liée au cœur de l’enfant, nous apprend la Bible.
La conduite définit la punition comme « tout ce qui est capable de faire sentir aux enfants la faute qu’ils ont, tout ce qui est capable de les humilier, de leur donner de la confusion et de servir par là de remède pour l’expiation de ce qu’ils ont fait de mal, ou de préservatif pour l’avenir ».
Il est recommandé d’adapter la punition à la faute, à l’âge et au sexe des élèves, mais également au caractère de l’enfant. Les fautes bénignes entraînent une correction verbale ou une simple pénitence. Les fautes les plus graves exigent une correction physique comme par exemples, la férule et le fouet. Il arrive que la punition tienne également compte de la situation sociale du père de l’écolier.
La main reste l’instrument le plus employé par le maître.
C’est à Guizot que revient l’honneur d’avoir supprimé les châtiments corporels à l’école, indiquant dans le statut de 1835, que les élèves ne pourront jamais être frappés. Les seules punitions dont l’emploi est autorisé sont les suivantes :
Un ou plusieurs mauvais points ;
La réprimande ;
La restitution d’un ou de plusieurs billets de satisfaction ;
La privation de tout ou partie des récréations, avec une tâche extraordinaire ;
La mise à genoux pendant une partie de la classe ou de la récréation ;
L’obligation de porter un écriteau désignant la nature de la faute ;
Le renvoi provisoire de l’école.
Il subsiste, comme seules brimades corporelles ou infamantes, la mise à genoux, ainsi que l’obligation de porter un écriteau désignant la faute commise.
Le règlement de 1851 élimine ces deux dernières survivances d’un temps révolu.
Le règlement de 1882 rappelle qu'il est absolument interdit d'infliger aucun châtiment corporel aux enfants. Les seules punitions autorisées sont les mauvais points ; la réprimande ; la privation partielle de récréation ; la retenue après la classe, sous la surveillance de l’instituteur ; l’exclusion temporaire. Le tutoiement des élèves est également interdit.
« Il est certain que les verges, le martinet, la férule, etc..., n’ont presque jamais eu pour effet que d’aigrir le caractère et de développer un sentiment dénué de vertu moral, celui de la crainte, qui engendre l’hypocrisie. » (Eugène Rendu, Manuel de l’enseignement primaire).
« Il y a, dit Montaigne, je ne sais quoi de servile en la crainte. Je n’ai vu d’autre effet aux verges, sinon de rendre les âmes plus lâches et plus malicieusement opiniâtres.»
Quant à ces virtuoses de la férule que sont les Frères, ils sont eux aussi contraints, bien qu’un peu tardivement, de se mettre au goût du jour. La conduite fait encore mention dans son édition de 1811 de la férule, souligne Pierre Giolitto.
Les maîtres ne perdront pas du jour au lendemain l’habitude ou le goût de frapper les enfants. Le tirage des oreilles et des cheveux, la mise à genoux, les coups de règle sur les doigts étaient encore utilisés il y a peu d'années.
L'école possède d'autres punitions dans sa panoplie disciplinaire comme le pensum et le bonnet d'âne dont on coiffait les paresseux.
- Série de bons points : Arithmétique ; Assiduité ; Géographie ; Mémoire ; Orthographe.
- Bons points Napoléon III Empereur, 1869.
- Catalogue du 1er janvier 1904 de l'Ardoisage Suzanne.
Page concernant les bons points
- Bon point métallique
- Planche de bons points avec moral.
- Bon point moral : La façon de donner vaut mieux que ce qu'on donne.
Croix d'honneur
- Bons points de l'emprunt de la libération, 1918.
- Bon point, du musée scolaire Emile Deyrolle, le lézard, animaux utiles.
- Bons points, Les animaux nuisibles, J. Bricon et A. Lesot, Editeurs, Paris.
- Bons points du jeune âge (collection Marie Bellier), Ract et Falquet, Paris.
- Instruction primaire, note hebdomadaire : Assez bien, valeur 25 bons points ; Bien, valeur 50 bons points ; Très bien, valeur 100 bons points.
- Bons points sur les sciences, Editeur A. Hatier, Paris.
- L'écolier illustré, Jehan le paresseux, illustration d'après le tableau de Geoffroy.
- Les colonies françaises.
- Récompense :
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen votée par l'Assemblée nationale en 1789.
Propriété de Alcide Picard et Kaan, Editeurs à Paris.
- Récompense scolaire, ville de Boulogne-sur-Mer, Caisse des écoles.
Souvenir accordé aux enfants ayant suivi les cours des écoles primaires communales pendant l'année 1909-1901
- Bon point des écoles, récompense à Laumois Manuelle le 1er mars 1890, Picards et Kaan, libraires-éditeurs, vendeurs exclusifs.
- Ecole Mullot, ville de Rouen.
Réfectoire avec deux tableaux d'honneur accrochés au mur.
- Tableau d'honneur décerné en 1861.
- Bon point de 5c d'épargne scolaire de la Caisse d'Epargne et de Prévoyance de Paris.
Enfin, sans condamner absolument les récompenses qui ont un caractère pécuniaire, nous estimons qu'on ne saurait en user avec trop de prudence. Est-il sage d'éveiller de trop bonne heure chez les enfants cet, amour de l'argent que l'on reproche à notre siècle? Est-il prudent de lui proposer comme but suprême de ses efforts une récompense d'un ordre purement matériel, et, si jeune, faut-il déjà lui apprendre à gagner? Certes, on a raison de lui enseigner l'économie, et nous sommes partisan des caisses d'épargne scolaires, parce que le petit pécule qui s'y amasse est économisé sou à sou et prélevé sur des dépenses futiles ; mais, nous l'avouons, nous redoutons l'effet des récompenses purement pécuniaires, si recherchées aujourd'hui, et nous pensons qu'un instituteur fera bien de n'y recourir qu'avec la plus grande réserve, car cela, c'est l'émulation pour l'argent, qui, nous ne craignons pas de le dire, devient très vite et très souvent une émulation malsaine. (Dictionnaire Buisson)