Au début du XIXe siècle, les écoles sont sinistrées, souvent, les enfants sont assis par terre et écrivent sur leurs genoux. Lorsque, par chance, la salle de classe comporte quelques tables, celles-ci sont habituellement faites de planches raboteuses posées sur des tréteaux. Comme un grand nombre de communes répugne à voter le traitement de l'instituteur et l'indemnité de logement, elles ne songent même pas à fournir le mobilier scolaire.
Suite à l'enquête de la Monarchie de juillet, Lorain écrit :
C’est un phénomène assez rare, dans le logement habité par le maitre, de lui voir consacrer à tous les usages domestiques une chambre séparée de la classe. Il lui est plus commode, en faisant réciter le catéchisme, de verser une chopine aux buveurs, ou de battre sur la forme la semelle des chaussures qu’il débite pour le voisinage, de surveiller son pot-au-feu, et d’écumer la marmite qui profite sur le poêle des buches fournies dans un autre but par les familles…
Pour que rien ne manque à l’inconvenance d’un pareil état de choses, la classe n’est pas seulement sa cuisine, c’est sa chambre à coucher, c’est son ménage tout entier. Si quelque membre de sa famille est malade, sa femme ou sa fille, ou si quelque circonstance les retient au lit un peu plus tard qu’à l’ordinaire, on en est quitte, je le crains, pour tirer modestement les rideaux…
En vérité, je ne sais, si, pour la moralité de la chose, surtout dans les écoles composées de garçons et de filles, plutôt que de les faire assister aux suites des couches de la maitresse et de la nourriture du nouveau né, il ne vaudrait pas mieux encore, comme dans quelques communes, les faire cohabiter avec le pourceau du ménage et les autres animaux domestiques que nourrit l’instituteur…
Qu’on s’étonne ensuite de la malpropreté qui règne dans ses écoles, lorsqu’on voit quelquefois les maîtres rechercher plus volontiers les écuries et les étables pour y tenir leur classe, dans l’espérance de mettre à profit la chaleur des bêtes qui l’habitent…
Souvent l’école se tient dans des granges humides, des salles basses, des caves où l’on est obligé de descendre en rampant, dans un local d’une petitesse incroyable.
Le matériel scolaire est inexistant. Le tableau noir n’est utilisé que dans quelques écoles.
- Tableau d'élocution Rossignol :
Une leçon en classe
Une bonne école en 1830
Dans son inspection générale des écoles primaires, Louis Arsène Meunier écrit:
"Celui qui jouissait du plus grand renom dans l'arrondissement, était sans contredit M. Brunel, instituteur à Louversey (Eure). Quoique cette commune n'eût que 350 habitants, M. Brunel réunissait dans son école 160 élèves, filles et garçons, dont 15 à 20 pensionnaires, tous garçons bien entendu. Il occupait une maison fort belle qu'il avait fait construire. Derrière existaient les bâtiments nécessaires à une exploitation agricole, car M. Brunel faisait valoir 25 à 30 acres de terre, fruit de ses économies de vingt ans: il avait même joint récemment une briqueterie à sa ferme.
Au rez-de-chaussée de sa maison, deux vastes salles contiguës servaient de classes, l'une pour les garçons, l'autre pour les filles: entre les deux s'élevait une grande estrade qui empêchait de voir de l'une dans l'autre, et de laquelle M. Brunel gouvernait toute l'école. Il est impossible de se figurer l'ordre, le silence et l'application qui régnaient dans cet admirable établissement, et il est aussi impossible de s'expliquer comment un seul homme pouvait suffire, sans employer les ressources du mode mutuel aux nombreuses exigences d'un enseignement primaire du premier degré complet. Et ce qui excita le plus mon étonnement, c'est que je constatai des progrès très satisfaisants dans toutes les divisions, depuis la première, formée par les jeunes gens de quinze à seize ans, jusqu'à la dernière composée de petits garçons ou de petites filles de six à sept ans."
La classe de la IIIe république
Les tables-bancs des écoliers, souvent en chêne car plus résistant que le sapin, sont de 2 places maximum. Ce meuble original, combine les usages de la table et du pupitre. L’espace ménagé par l’inclinaison sert de boîte de rangement, accessible en relevant l’abattant du plateau.
«Chaque élève, commente la revue pédagogique, a réellement une place indiquée par un casier où il place son bagage; on verra ainsi s’il a de l’ordre, de la propreté, et on éveillera chez lui le sentiment de responsabilité.»
Une cavité oblongue évite le glissement des objets. A droite, un trou est aménagé pour recevoir l’encrier en faïence que l’on remplit d’encre violette.
Un tableau noir est fixé sur le mur derrière le maître, face aux élèves. A côté est accrochée la boîte de craie avec son chiffon ainsi que la grande règle, le rapporteur en bois et le compas. L’estrade où trône le bureau du maître, permet l’accès du tableau aux élèves. A côté, un autre tableau sur un chevalet à chevilles réglables ou pivotant augmente la surface d’écriture. Des cartes de géographie, des tableaux d’élocution ou de lecture ornent les murs. Ils hébergent également un thermomètre et la Déclaration des doits de l’homme et du citoyen. A proximité du bureau du maître s’affichent l’emploi du temps et la liste des récitations et chants. Au fond de la classe, une pendule œil-de-bœuf indique l'heure au pédagogue et l’armoire-bibliothèque sert à ranger les livres et les objets du musée scolaire. Un compendium métrique renfermant les instruments de mesure, Le boulier-compteur et le globe terrestre complètent l'ensemble. Un poêle placé au centre réchauffe le lieu.
Ecole musée d'Épineuil-le-Fleuriel dans le Cher.
Gravure : Classe d'une école primaire dans le haut Jura, L'illustration 1872.
Bureaux pupitres d'élèves noir comprenant quatre places, avec abattants.
La classe
Extrait du grand-livre à l'usage des écoles primaires par M.Malgras, chez Hachette et Cie, 1846.
Si le matériel d’une école est incomplet, les progrès le seront aussi : il est donc essentiel, pour l’honneur de la commune, pour le succès de l’instituteur, pour le bien de la population, d’avoir une vaste et belle salle d’école et un mobilier complet. Le gouvernement ouvre ses trésors, lorsqu’il s’agit d’instruction primaire. Quand une commune est dépourvue de ressources, qu’elle a utilement épuisée ses revenus, elle doit recourir à son protecteur naturel, et ce n’est pas tendre la main que de justement réclamer les largesses du gouvernement pour une institution publique, qui doit être généreusement traitée ; dans sa sagesse, il a les yeux ouverts sur tous, il n’oublie personne, il fait arriver jusqu’au plus petit hameau les marques bienveillantes de sa sollicitude.
L’école ne vaut que ce qu’on la fait ; bien s’entendre pour la créer, pour la diriger, pour l’améliorer est un des devoirs principaux dévolus aux autorités compétentes, et en particulier à l’instituteur ; il est plus à même que tout autre de comprendre les besoins que réclament l’instruction et l’éducation de la jeunesse.
1° - Qu’il y ait une salle d’école vaste, élevée, bien aérée, dont la porte d’entrée donnera sur un corridor, qui aura lui-même son entrée principale sur une place publique ; - les fenêtres au levant sur un jardin, au couchant sur une cour ou sur un préau couvert destiné aux récréations des élèves.
Ni mare, ni fumier, ni dépôts ne nuiront à la salubrité de l’air dans les environs de la maison d’école. Elle sera construite, autant que possible, sur une hauteur, loin des lieux humides.
2° - Au milieu de la salle, un poêle monté en briques ou en faïence.
3° - En face de la porte d’entrée, une estrade assez élevée pour que le maître puisse facilement dominer toutes les tables et surveiller les élèves.
4° - A droite et à gauche de la salle, en face de l’estrade, seront disposées, sur deux rangs parallèles, les tables des élèves avec leurs bancs ; il y aura entre elles un espace suffisant pour circuler librement alentour ; des encriers seront fixés sur les tables, ainsi que des ardoises ; la place de ces dernières y sera entaillée et elle seront fixées à fleur du bois avec des vis à tête plate ; elles porteront aussi les bois et les cordeaux nécessaires pour suspendre les modèles d’écriture. Un peu inclinées et larges au moins de 60 centimètres, elles faciliteront le travail et la bonne position des élèves ; au-dessous seront les casiers nécessaires pour serrer les livres, les cahiers, les plumes, etc. Les tables destinées aux plus petits enfants auront nécessairement des ardoises, et l’une de ces tables sera disposée de manière à recevoir une couche de sable sur laquelle se feront les exercices d’écriture.
5° - Devant les tables, à droite et à gauche, pour l’enseignement de l’écriture ou du dessin linéaire, seront suspendus au plafond, au moyen de grands crochets, deux tableaux mobiles ; et, à droite de l’estrade, près du mur, un grand tableau noir, pour les démonstrations d’arithmétique.
6° - A gauche de l’estrade, un grand tableau synoptique des poids et mesures.
7° - En face des élèves, un buste du Roi, et au-dessus, un grand crucifix.
8° - Une horloge en face du maître.
9° - Un thermomètre près de l’estrade.
10° - La méthode Wilhem et une méthode de lecture, dont les tableaux, collés sur des planchettes en bois, seront suspendus avec ordre et régularité autour de la salle.
11° - Un sifflet, une clochette, un signal ou un claquoir. – Un sifflet, pour les grands mouvements, un signal, pour les autres.
12° - Un boulier-compteur et un arithmographe.
13° - Les cartes murales nécessaires pour l’enseignement de la géographie.
14° - Une collection de poids et mesures de forme et de grandeur naturelles.
15° - Une collection de minéraux de la contrée.
16° - Une collection de bois et de végétaux du canton.
17° - Une collection d’oiseaux, d’animaux les plus connus dans le pays. (1)
18° - Une armoire destinée à mettre les instruments de mathématiques et de physique que la commune pourrait posséder : - (grands et petits compas, doubles-décimètres, rapporteurs, échelles de proportion, balance, poulies, cric, chèvre, treuil, cabestan, roue de carrière, grue, mouton, vis sans fin, etc.)
19° - Les instruments nécessaires à l’arpentage : jalons, équerre, boussole, planchette à lever les plans, graphomètre, niveau, trimètre, chaîne d’arpenteur, mire à coulisse.
20° - Collections d’instruments oratoires.
21° - Une fontaine en zinc avec robinets pour l’usage journalier des élèves.
22° - Une petite armoire pour déposer les livres et les registres nécessaires à l’instituteur.
23° - Un globe terrestre, une sphère armillaire.
(1) Ces collections pourront être faites par l’instituteur lui-même.
« Le poêle sera chauffé assez longtemps avant l’ouverture des classes pour que les élèves puissent se livrer à un travail profitable dès le commencement des exercices. L’instituteur seul peut se charger d’allumer le feu et d’en régler l’entretien ; mieux vaut le régler par des prises d’air que par les clés. La température de la salle ne dépassera pas 16° centigrades. Les élèves ne seront pas trop rapprochés du fourneau et un vase rempli d’eau, placé sur le poêle, corrigera la sècheresse de l’air. » (Journal scolaire « Le Volume », 1890)
« Dans la nuit tombante, il crut retrouver la classe de son enfance. C’étaient les mêmes murs blanchis, les mêmes tables longues aux surfaces rayées et surchargées d’inscriptions, les mêmes bancs sans dossier, le même poêle de fonte dont le tuyau courait au plafond vers le mur du jardin. Une carte de France, une carte des poids et mesures. Contre le mur du fond, une bibliothèque encombrée de paperasses, de vieux livres et d’objets hétéroclite : un écureuil naturalisé, une éprouvette, des fioles, un disque de Newton, une toupie, in morceau de charbon, des boîtes, de grands chardons séchés. A l’autre bout de la salle, la table du maître sur son estrade, un tableau mural derrière elle et sur la droite un tableau à chevalet. Les mêmes tableaux noirs qu’à Fontvieille, rayés et craquelés.» (Pierre Gamarra, Le maître d’école)
La classe de la IVe et Ve République
Règlement du 3 mai 1950 : Les communes doivent fournir des tables horizontales avec sièges à dossier incliné en arrière, fixés ensemble mais pouvant s’écarter et se hausser selon la taille des enfants. A une ou deux places.
Marianne
Ecole de Vergné, Charente Maritime.
Déclaration des droits de l'homme.
Ecole de Vergné en Charente Maritime.
Dans leur réponse au concours de 1861, les instituteurs se plaignent de la médiocrité du mobilier scolaire. Les tables et les bancs, en nombre insuffisant, sont mal adaptés aux enfants, souvent anciens et plus ou moins bien rafistolés. Les bancs n’ont pas de dossier. Modèle unique, ils servent aux enfants de différentes tailles. Très longs, ils peuvent accueillir 10, 15 enfants et plus.
Trônant sur une haute estrade, le maître derrière son bureau noir avec pupitre, impose son autorité sur ses élèves installés face à lui.
Tout au long de ce siècle, les autorités font obligation aux municipalités de fournir aux instituteurs un mobilier correct, mais ceux-ci renâclent à la dépense.
Par l'arrêté du 18 juin 1887, les choses changent définitivement. Les municipalités sont obligées de fournir à l'instituteur un mobilier précis pour sa classe.
Au centre du bourg, où convergent toutes les routes de la localité, s’élèvent l’église et la maison commune. Celle-ci borde un côté du cimetière. Elle abrite à la fois la mairie et les écoles publiques. La salle du conseil municipal et des archives, puis les logements séparés de l’instituteur et de l’institutrice, composés chacun seulement de deux pièces, occupent la partie haute du bâtiment. Les salles de classe sont au rez-de-chaussée, en contre-bas du cimetière. Triste condition hygiénique ! Ajoutons que les salles sont peu spacieuses, et que, de la Toussaint à Pâques, chacune d’elles sera fréquentée par plus de cent élèves… Il est vrai que, pendant l’été, les classes seront à peu près désertes.
Cinq ou six robustes tables en chêne occupent la salle des garçons dans toute sa longueur. Là sont entassés les grands, ceux qui écrivent. Les autres, presque aussi nombreux, sont assis sur des bancs le long des murs. Au plus bel endroit se carre une estrade à double rampe, solennelle comme la tribune de la Chambre des députés ; un peu au dessus, le seul tableau noir de la salle ; et, placardés contre les murs, un tableau du système métrique, puis trois immenses cartes : la France, l’Europe et la Mappemonde. Ces cartes sont plates et vides ; cependant on voit par endroits, comme des chenilles processionnaires : ce sont les montagnes.
(Les mémoires d’un instituteur français par Noël Cauclin, chez Alcide Picard et Kaan, éditeurs, 1896)
la bibliothèque scolaire
Les bibliothèques scolaires ont pour objet de mettre à la disposition des élèves peu aisés les livres de classe qui leur sont nécessaires, et à la disposition de tous les élèves, enfants et adultes, et de leurs familles, des livres de lecture choisis avec soin.
C'est Rouland qui les crée par un arrêté du 1er juin 1862. Il demande aux instituteurs d'établir dans leur école une bibliothèque, placée sous leur surveillance, dont les livres seront rangés dans une armoire-bibliothèque.
« Bien qu’elles doivent être placées dans une salle de l’école et sous la surveillance immédiate de l’instituteur, les bibliothèques scolaires sont, par le fait, et j’ai eu soin de l’indiquer dans un arrêté, à la disposition des familles. Elles forment une collection où tous les habitants de la commune pourront puiser des renseignements pratiques, des notions exactes sur l’histoire de notre pays, sur l’hygiène, les sciences usuelles et l’industrie spéciale à chaque région. Ces collections n’auront donc pas seulement une utilité incontestable pour les enfants et pour les maîtres, elles présentent dès à présent un caractère d’utilité générale, dont vous ne manquerez pas d’être frappé. »
Concessions du ministère aux communes non encore pourvues d’une bibliothèque populaire d’école ; la commune de la Houssaye Béranger (Seine-inférieure) a reçu 20 livres le 22 avril 1881.
Le matériel de duplication :
- Nardigraphe
"Le Nardigraphe, inventé par M. Nardi en 1905, est un appareil de duplication autographique qui permet de reproduire sans stencil, en noir ou en couleur, en quantité illimitée, sur n'importe quel papier, tous documents écrits, dactylographiés, dessinés ou gravés."
C'est un procédé spécial de reproduction opérant par report, sur une vitre "magique" (vitre dépolie).
L'original écrit avec une encre spéciale, est reporté sur une vitre chimiquement préparée et où il est ensuite révélé en relief par l'action de produits chimiques.
L'encrage et le tirage se font ensuite comme s'il s'agissait d'un véritable cliché d'imprimerie.
Tirage indéfini, avec l'encre que l'on désire (mais une seule couleur à la fois)
- Pierre humide Au cygne
- duplicateur à alcool
Trois feuilles sont superposées : une feuille blanche classique, une feuille paraffinée et une feuille de papier carbone dit hectographique. Lorsque l'utilisateur exerce une pression via un stylo à pointe dure ou une machine à écrire sur la feuille classique, le papier carbone dépose une couche d'encre à l'envers du papier paraffiné. Au fur et à mesure de la rédaction de l'original, un négatif est ainsi copié sur la feuille paraffinée.
La feuille paraffinée où se trouve le négatif est ensuite placée dans une presse rotative. Une solution alcoolisée dilue légèrement l'encre du négatif afin d'en déposer sur une nouvelle feuille à chaque rotation de la presse. La quantité d'encre étant limitée au dépôt initial sur la feuille paraffinée, le nombre de copies dépasse rarement les 200 exemplaires et l'impression est peu contrastée.
Catalogue du mobilier et du matériel d'enseignement, Les fils d'Emile Deyrolle, avril 1913.
Catalogue général de mobilier scolaire et de matériel d'enseignement, librairie Charles Delagrave, 1900.
Publicités de 1906 :
Craie Suzanne - Plus de craie rayant ou encrassant les tableaux noirs. Ne faites usage que de la craie Suzanne.
La craie Robert est la seule craie artificielle de forme cylindro-conique, extra douce, ne rayant pas les tableaux noirs et ne salissant pas les mains ; elle est utilisée depuis plus de trente ans dans toutes les écoles de France et de l'Etranger.
Documents
L'école
2. La salle de classe