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Les mutuelles
2. La MGEN
Les Sociétés de secours mutuels
Après le coup d'Etat du prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, beaucoup de sociétés de secours mutuels sont supprimées. Pourtant le nouveau pouvoir ne tarde pas à autoriser leur renaissance, sous une nouvelle forme strictement réglementée par le décret du 26 mars 1852 :
art. 1 : Une société de secours mutuels sera créée par les soins du maire et du curé dans chacune des communes où l'utilité en aura été reconnue.
art. 3 : Le bureau de chaque société sera nommé par le Président de la République.
La loi du 8 juin 1853 instaure une retraite pour les fonctionnaires en retenant 5% sur leurs traitements.
La législation interdit sévèrement toute possibilité de regroupement. Les sociétés doivent demeurer isolées.
La plus ancienne des sociétés d'instituteurs remonterait à 1860.
Loi du 1 avril 1898, appelée parfois la “ Charte de la Mutualité”
Les sociétés de secours mutuels peuvent se créer sans autorisation, sur simple déclaration ; elles peuvent se grouper en Union, elles choisissent librement leurs dirigeants.
Charte de la Mutualité
Dispositions communes à toutes les sociétés
ARTICLE PREMIER. — Les sociétés de secours mutuels sont des associations de prévoyance qui se proposent d'atteindre un ou plusieurs des buts suivants : assurer à leurs membres participants et à leurs familles des secours en cas de maladie, blessures ou infirmités, leur constituer des pensions de retraite, contracter à leur profit des assurances individuelles ou collectives en cas de vie, de décès ou d'accidents, pourvoir aux frais des funérailles et allouer des secours aux ascendants, aux veufs, veuves ou orphelins des membres participants décédés.
Elles peuvent, en outre, accessoirement, créer au profit de leurs membres des cours professionnels, des offices gratuits de placement et accorder des allocations en cas de chômage, à la condition qu'il soit pourvu à ces trois ordres de dépenses au moyen de cotisations ou de recettes spéciales.
Les sociétés de secours mutuels se divisent en sociétés libres, approuvées, ou reconnues comme établissements d’utilité publique. Les premières ne sont astreintes qu’au dépôt de leurs statuts à la sous-préfecture, et sont en partie affranchies du contrôle de l’Etat, mais ne profitent pas, comme les autres, de ses subventions, bonifications et allocations, ni des exemptions de certaines taxes. Elles ne peuvent non plus posséder des immeubles. Toutes les faveurs sont réservées aux deux autres catégories de sociétés. L’Etat ne peut d’ailleurs refuser l’approbation que dans des cas déterminés, mais, en retour, les sociétés approuvées doivent effectuer leurs placements dans les caisses d’épargne, à la Caisse des dépôts et consignations, en fonds d’Etat ou en valeurs garanties par l’Etat. Elles peuvent, en outre, pour leurs opérations, utiliser la Caisse nationale des retraites pour la vieillesse.
Au tournant du siècle, des sociétés enseignantes se développent avec l’appui de la Ligue de l’enseignement. La Mutualité scolaire, initiée par Jean-Cyrille Cavé dans la décennie 1880 apparaît également.
Des groupements de mutuelles s'opèrent, se spécialisant dans la prise en charge d'un risque.
Un Orphelinat de l'enseignement primaire qui a pour but de recueillir, d'élever et d'instruire les enfants des instituteurs et des institutrices décédés est fondée en 1885.
Le 3 mai 1901, la Société de Secours Mutuels des Instituteurs du Pas-de-Calais, à l'initiative de son président, Alfred Leune, Inspecteur d'Académie, lance un appel aux autres Sociétés Mutuelles d'Instituteurs pour s'unir contre la tuberculose. 72 sociétés sur 81 répondent favorablement et le 21 septembre 1901, un congrès des sociétés, auquel participent aussi les Amicales d'Instituteurs vote la création de l'Union nationale des sociétés de secours mutuels d'instituteurs et d'institutrices de France et des colonies (UNSSMI). La présidence revient à Alfred Leune.
Elle ouvre son sanatorium à Saint-Feyre en 1906.
Après un long interdit de tout groupement professionnel proclamé par la loi Le Chapelier en juin 1791, il faut attendre la loi du 21 mars 1884 de Waldeck-Rousseau pour voir légaliser les syndicats professionnels ouvriers et patronaux, mais elle ne concerne pas les fonctionnaires (reconnus qu'en septembre 1924 par le ministère Herriot).
La loi du 1er juillet 1901 sur les associations permet aux amicales d’instituteurs, d'orientation réformiste pour la plupart, de se multiplier. C'est essentiellement sous cette forme que les enseignants défendent leurs intérêts. Les amicalistes favorisent le développement d'organisation mutualistes ou proches de son esprit.
A l'occasion de l'exposition universelle, à Paris, en 1900, le congrès des amicales d'instituteurs proclame que l'amicale créera ou soutiendra les institutions qui peuvent être utile à ses adhérents : sociétés coopératives de consommation, sociétés d'assurances contre les accidents scolaires, sociétés de secours mutuel en cas de maladie, sociétés d'assurance mutuelle en cas de décès, sociétés d'épargne et de retraite, comités de placement et de secours pour les veuves et orphelins d'instituteurs, consultations médicales et juridiques gratuites ou honoraires réduits. (MGEN 50 ans de solidarité)
Un courant syndicaliste-révolutionnaire, en désaccord avec l'orientation des amicales, se crée. Cela entraine un long divorce entre les deux formes d'organisation sociale que constituent la mutualité et le syndicalisme.
De nombreux syndicalistes développent un discours contestataire. Combatifs, ils s'opposent à toute réforme et toute négociation... De leur côté, les mutualistes défendent une idéologie et des pratiques diamétralement opposées. Favorables à la collaboration et l'union entre classes, ils mettent en œuvre des formes de solidarité où le riche aide le pauvre... La division entre mutualistes et syndicalistes entraine une répartition de leurs fonctions… Il faut attendre le lendemain de la Première Guerre mondiale pour que les choses, en ce domaine, commencent lentement à changer. (Une histoire d'être ensemble, Michel Dreyfus)
Quand la Fédération des amicales d'instituteurs se transforme et devient en 1920 le Syndicat national des instituteurs (SNI), celle-ci ne se résout toujours pas à cultiver le terrain mutualiste. Le mutualisme et le syndicalisme se développent dans une relative indifférence respective, même si les militants mutualistes sont le plus souvent adhérents du SNI.
Le Soutien mutuel des membres de l'enseignement primaire public et laïque français, est fondé en 1923 à Cahors pour fournir à ses membres privés de leur traitement total pour cause de maladie une indemnité journalière jusqu'à la reprise du service ou la mise à la retraite.
L'Assurance sociale
La Loi du 5 avril 1928 complétée par la Loi du 30 avril 1930, mettent en place une protection sociale obligatoire pour les salariés.
Ainsi, l’ensemble des salariés de l’industrie et du commerce sont désormais couvert contre les risques Maladie, Invalidité, Vieillesse, jusqu’alors pris en compte par le mouvement mutualiste.
Mais celle-ci ne concerne pas les fonctionnaires. Les enseignants ne peuvent compter que sur eux-mêmes.
Cette particularité contribue dès lors et de façon involontaire à un développement rapide de la mutualité enseignante, même si les particularismes corporatifs continuent d’être puissants.
Les instituteurs tuberculeux se trouvent toujours sous le régime de l'article 16 du décret de 1853, c'est-à-dire : congé à plein traitement pendant trois mois ; pendant les trois mois suivant, le congé peut être prolongé avec la retenue de la moitié au moins et les deux tiers au plus du traitement.
L'Union nationale des sociétés de secours mutuels d'instituteurs qui prend en charge la maladie et qui dispose de son sanatorium à Saint-Feyre depuis 1906, pour pallier au manque de rétribution des enseignants malades, constitue en mars 1929, l'Association des malades en congé de longue durée de Sainte-Feyre (ACLD).
A cette époque la législation interdit toute possibilité de mixité. Pour ce fait, l'Union de Secours Mutuels, présidée par Mr Léaud, achète alors, le 29 janvier 1932, la clinique Sylvabelle qui devient le Sanarorium de Saint-Jean-d'Aulph en Haute-Savoie (Saint-Jean-d'Aulps depuis 1961) où seront envoyés et hébergés les femmes, tandis que Sainte-Feyre deviendra exclusivement masculin.
Les instituteurs mutualistes tentent de regrouper les sociétés dispersées : le 13 avril 1933, est créée la Fédération des œuvres mutualistes de l'Enseignement public (FOME), qui s'intègre à la Fédération nationale de la Mutualité Française (FNMF) en 1938.
Des liens s'établissent avec d'autres organisations de fonctionnaires, comme la Fédération générale des fonctionnaires de la CGT.
Jusqu'au Front populaire, la majorité des syndicalistes enseignants demeure réservée à l'égard de l'action mutualiste.
Dans les Bouches-du-Rhône, l'ancien secrétaire du syndicat unitaire et futur secrétaire général de la MGEN, Pascal Léna réalise la fusion de 10 sociétés mutualistes enseignantes, au sein d’une seule organisation départementale.
En 1937, la coopération entre la Fédération des œuvres mutualistes de l'Enseignement public (FOME), l'Association des malades en congé de longue durée de Sainte-Feyre (ACLD), le Syndicat national des instituteurs (SNI) et le Soutien mutuel aboutit à la création de la Caisse normalienne, chargée d'organiser la lutte antituberculeuse dans les écoles normales.
De façon sans doute inattendue, la Seconde Guerre mondiale ne remet pas fondamentalement en cause cette évolution et les sociétés enseignantes sont relativement épargnées par le contexte. Comme l’ensemble du pays, elles se heurtent bien évidemment à de multiples obstacles : désorganisation due à la mobilisation puis à la débâcle, conséquences de la dissolution des organisations syndicales, vie matérielle difficile, répression et persécutions contre de nombreux militants. Toutefois, le gouvernement encourage, pour mieux les contrôler, la création de sociétés de secours mutuels dans les ministères, en particulier avec la loi du 19 août 1943 relative à la politique sociale de l’Etat en faveur de son personnel. Une aide étatique est apportée aux organisations mutualistes, sous la forme d’une subvention égale à la moitié des cotisations que versent les adhérents et leurs familles. La continuité mutualiste n’est donc pas brisée par le régime de Vichy et les mutuelles enseignantes arrivent tant bien que mal à poursuivre leurs activités dans les conditions les plus diverses.
La Sécurité Sociale
Dès 1944, le Conseil national de la Résistance annonce le principe d'un plan français de Sécurité sociale visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail.
Il s’agissait de mettre les citoyens à l’abri des risques sociaux de leur assurer, une sécurité économique et de réaliser ainsi le vieux rêve des révolutionnaires qui proclamaient dès 1793 :
"La société doit la subsistance aux citoyens malheureux soit en leur procurant du travail, soit en procurant les moyens d’exister à ceux qui sont hors d’état de travailler."
Une caisse unique devait servir les mêmes prestations à tous, c’est la Caisse Primaire de Sécurité Sociale qui devait s’en charger.
Hélas ! la paix revenue, les particularismes et corporatismes refont surface et l’esprit d’unité et de rassemblement disparaissent. Certaines professions comme les mineurs, les cheminots, veulent conserver leur propre caisse ; d'autres comme les paysans et les petits commerçants refusent de le rejoindre.
L'antagonisme entre le système de protection librement choisi que défend la mutualité d'un côté, et le modèle étatique et obligatoire de l'autre resurgit comme au temps de la création des Assurances sociales.
La sécurité sociale remet en cause les fondements de la mutualité traditionnelle, sa vision idéologique et ses méthodes de fonctionnement…
Le régime obligatoire vise à couvrir tous les français au niveau le plus élevé. Il représente le passage d'une sûreté librement consentie et assumée, conçue par les mutualistes, à une sécurité généralisée et obligatoire…
Dans le contexte de la Libération, les objections du président de la FNMP n'ont pas suffisamment de poids pour empêcher le législateur de mettre son projet en œuvre. (Histoire d'être ensemble, Michel Dreyfus)
Devant l'opposition farouche des dirigeants de la Fédération nationale de la Mutualité Française (FNMF), Pierre Laroque, nommé Directeur Général de la Sécurité sociale le 5 octobre 1944, le « père » de la sécurité sociale, comprend qu’il ne peut rattacher les fonctionnaires à la caisse des ouvriers et des employés.
Le plan général de la Sécurité sociale est adopté le 4 octobre 1945 par ordonnance qui est suivie de deux autres le 19 octobre. Si l’ordonnance du 4 octobre crée un régime général ayant vocation à rassembler l’ensemble des actifs (salariés des secteurs privé et public, exploitants agricoles, travailleurs indépendants et secteurs spécifiques d’activité), elle reconnaît également la possibilité de maintien de certains régimes « spéciaux » de sécurité sociale préexistants.
Les ordonnances du 19 octobre prévoient la refonte du système des assurances sociales, et réforment la loi du 1er avril 1898 sur la mutualité, qui doit compléter la sécurité sociale.
Elle fixe à la mutualité de nouvelles missions complémentaires à la Sécurité sociale.
Par rapport aux assurances sociales gérées par les mutualistes, la Sécurité sociale est confiée au contraire aux syndicalistes.
Dans la rivalité qui a séparé de longue date mutualistes et syndicalistes, l'instauration en 1945 de la Sécurité sociale représente une revanche des seconds sur les premiers. (Michel Dreyfus)
Les grands traits de la réforme
Les principaux changements par rapport à ce qui existait auparavant sont :
Tout d'abord, une institution unique est créée, en lieu et place de trois autres, jusque là séparées et qui se trouvent désormais réunies : les assurances sociales, prédécesseur
direct de la Sécurité sociale, qui assuraient contre les risques liés à la maladie, la maternité, l'invalidité et le décès et payaient une modeste retraite ; les allocations familiales,
qui dépendaient de caisses autonomes gérées par des représentants du patronat ; l'assurance contre les accidents du travail, enfin, qui relevait également de la responsabilité patronale mais était confiée à des compagnies d'assurance privées. En lieu et place de ces divers
organismes, la réforme tente d'instituer une caisse unique par circonscription, gérant tous
les risques, ce qui doit permettre simplicité et efficacité. Des caisses d'allocations familiales
autonomes continueront toutefois d'exister au sein du nouveau régime unifié, pour tenir
compte de la spécificité de ces prestations.
Deuxième point majeur : la direction de ces organes est profondément modifiée. Les cotisations acquittées par les entreprises, jusque là très variables, sont également unifiées (à l'exception des accidents du travail, toutefois), ce qui permet de rétablir une certaine égalité économique. Enfin, une Caisse nationale de Sécurité sociale, établissement public, coiffe l'ensemble et assure l'unité administrative et financière du régime. Tout en restant autonomes et distinctes de l'État, les nouvelles caisses de Sécurité sociale sont administrées majoritairement par les représentants des assurés, c'est à dire les syndicats ouvriers et au premier rang la CGT, largement prédominante. Le patronat et la Mutualité, autrefois majoritaires, n'occupent plus désormais qu'une position minoritaire et même marginale pour la seconde. L'Administration, tout en conservant un pouvoir de tutelle, ne devait intervenir que dans des cas limités, notamment si l'équilibre financier du régime était remis en cause par des décisions inconsidérées, ce qui ne devait pas arriver, théoriquement…
Enfin, l'assurance-vieillesse, détruite par l'inflation et les décisions du régime de Vichy, est remise sur pied, le choix de la répartition étant définitivement confirmé de préférence à la capitalisation qui avait prévalu dans ce domaine jusqu'en 1941. (Histoire de la sécurité sociale, Bruno Valat)
Livret Statuts de la Société de secours mutuels des instituteurs et des institutrices du département de la Saône-et-Loire, 1867.
Carnet de timbres de l'Union nationale des sociétés de secours mutuels d'instituteurs et d'institutrices, reconnue comme établissement d'utilité publique, fondée en 1902.
Alfred Leune (1857 - 1930), Président fondateur.
Œuvre des sanatoriums de l'enseignement primaire, Sainte-Feyre (Creuse) et Saint-Jean-D'Aulphe (Haute-Savoie), 1937.
Cartes postales du sanatorium de Sainte-Feyre (Creuse), vue générale, vue côté est et curistes dans l'ancien pavillon.
La M.G.E.N.
Interrompue par la guerre et l'Occupation, la réflexion sur l'unification du mouvement mutualiste enseignant reprend à la Libération, parallèlement à la mise en œuvre de la Sécurité sociale.
La liberté syndicale est rétablie par le gouvernement provisoire en août 1944.
En 1944, lors du congrès du SNI de Montrouge, Jules-Marie Coq émet l'idée de créer une caisse de prévoyance pour le personnel de l'Education nationale. Les syndicalistes enseignants sont peu mobilisés par ces questions et rien ne se fait durant un an.
Après un travail de documentation entrepris par Henri Aigueperse sur les essais de fusion de sociétés de secours mutuels réalisés durant l'entre-deux-guerres, une commission d'étude est confiée à Marcel Rivière en décembre 1945.
En février 1946, Henri Aigueperse et Marcel Rivière adressent un questionnaire aux sections départementales du SNI. Les questions qu'ils posent font l'objet de débats mais suscitent peu d'intérêt au sein du syndicat.
Lors du congrès du SNI de Grenoble de juillet 1946, Marcel Rivière affirme qu'il convient de créer notre propre caisse d’assurances sociales à l’intérieur de notre mutualité. Une mutation est d'autant plus nécessaire que les sociétés de secours mutuels ne réussissent pas à donner une sécurité réelle à leurs adhérents. Le projet qu'il présente s'inspire de l'exemple donné par les PTT qui ont su établir une mutuel moderne pouvant satisfaire aux exigences de la loi sur les Assurances sociales et l'idéal mutualiste de protection. Le rapport est adopté à l'unanimité.
Depuis la promulgation des ordonnances fondatrices de la Sécurité sociale des 4 et 19 octobre 1945, les perspectives de la mutualité deviennent, soit rester indépendant du système de la Sécurité sociale, soit l'intégrer en partie. Pierre Laroque et Marcel Rivière sont favorable à la seconde position.
La loi du 22 mai 1946 pose le principe de la généralisation de la sécurité sociale à l’ensemble de la population.
Il est d'abord urgent de constituer une mutuelle générale à l'échelon national et pour gérer la Sécurité sociale il sera nécessaire de constituer des sections locales dans tous les départements et de prélever les cotisations sur les traitements.
Marcel Rivière, mandaté pour créer la "Mutuelle générale universitaire", instaure un système paritaire, syndicaliste et mutualiste, et recompose la Commission sociale.
Le statut de la fonction publique est édicté par la loi du 19 octobre 1946.
Réunis en assemblée générale le 8 décembre 1946 dans les locaux du Musée social, rue Las Cases à Paris, les responsables du Syndicat national des instituteurs (SNI), de la Fédération de l'Éducation nationale (FEN), et des unions et sociétés de secours mutuel décident la création de la Mutuelle générale de l'Education nationale (MGEN) et appellent l'ensemble des 110 sociétés mutualistes à fusionner en son sein. Ses sections départementales organiseront en leur sein des sections locales de la Sécurité sociale.
Quelques jours plus tard, le 15 décembre, le Conseil d'administration provisoire de la MGEN procède à l'élection du Bureau national dont la présidence est confiée à Marcel Rivière et le secrétariat général à Jules-Marie Coq.
Le conseil d'administration est composé, à parité, de militants syndicaux et de responsables mutualistes, ce qui apporte une originalité dans l'univers mutualiste.
Déposés le 20 décembre 1946, les statuts de la MGEN recevront l'approbation ministérielle le 18 février 1947.
Pour obtenir la gestion de la Sécurité sociale du personnel de l’Education nationale et le versement des prestations mutualistes, les dirigeants de la MGEN entreprennent des négociations avec le ministère du Travail.
Le décret du 31 décembre 1946 permet aux fonctionnaires de bénéficier de prestations au moins égales à celles qui résultent de la législation fixant le régime des assurances sociales, ce qui répare l'exclusion des Assurances sociales de 1930.
A l'opposé des fondateurs de la MGEN, les dirigeants de la FNMF qui se sont opposés farouchement à la naissance de la Sécurité sociale accueillent mal les nouvelles attributions qui leur incombent, mais conscients qu'ils ne peuvent inverser le cours des choses, cherchent à s'y adapter.
Or, en ce début 1947, le gouvernement cherche à intégrer les agents de l’Etat dans le régime général de la Sécurité sociale : il se rallie à la proposition du député radical André Morice consistant à confier la couverture sociale de ces professions à leurs sociétés mutualistes. Un accord est voté le 28 mars 1947 par l’Assemblée nationale unanime : il reconnaît aux mutuelles de fonctionnaires, et parmi elles la MGEN, la responsabilité des sections locales de la Sécurité sociale.
La loi du 9 avril 1947 étend la sécurité sociale aux fonctionnaires.
La MGEN va se développer conformément au régime particulier des fonctionnaires. Elle règlera la part Sécurité Sociale pour le compte de la CPSS et la part de la mutuelle.
La première assemblée générale ordinaire est tenue du 22 au 24 décembre 1947 à Paris, avec la quasi-totalité des sociétés mutualistes de fonctionnaires de l'Education nationale.
Sa croissance est rapide. Les débuts ne sont pourtant pas facile par le manque de locaux, les problèmes financiers, des difficultés matérielles et par l'insuffisance de personnel formé. Mais, l'état d'esprit de ces militants, est à l'image d'une société à reconstruire.
Durant les premières années la MGEN occupe les locaux fournis par la FEN, rue Solférino.
En 1955, le Code de la mutualité vient compléter l'ordonnance du 19 octobre 1945. Il contient l’ensemble des dispositions applicables aux mutuelles de santé, à leurs unions et à leurs fédérations. L’objet de la codification est notamment d’harmoniser l’action de la mutualité avec celle de la Sécurité sociale devenue obligatoire.
En 1955, la MGEN s'associe avec le SNI, à la FEN et à la FCPE pour créer Art et Vie, une coopérative qui a pour but d'offrir des loisirs aux meilleures conditions matérielles, culturelles et morales.
La MGEN soutient la méthode nouvelle de l'accouchement sans douleur qui se pratique en Union soviétique. L'ASD est une préparation physique et psychique de l'accouchement pour que les femmes apprennent à surmonter leurs peurs et vivent sans souffrance ce moment essentiel de leur existence. Cette démarche remet en cause l'idée biblique selon laquelle la femme doit "enfanter dans la douleur". Annie Ruff, directrice du Centre médical de Paris de la MGEN, aidée par le docteur Renée Boutet de Montvel, organise à partir de 1959, des séances de préparation à cette méthode.
A l'assemblée générale de juillet 1960, Marcel Rivière conclue : Nous sommes fiers d'avoir porté le problème de la laïcité à l'ordre du jour de nos débats. Nous sommes fiers d'avoir obtenu des décisions unanimes. Je pense que l'idéal laïque est l'instrument de l'union, le plus beau rêve offert aux hommes.
Marcel Rivière meurt en 1960.
Notre MGEN aurait pu se vouloir syndicale et le SNI ou la FEN auraient pu la voir comme telle mais avec un sens des réalités et un altruisme évidents, elle s'est faite ce qu'elle est…
Pour Marcel Rivière, l'indépendance de la MGEN était essentielle.
Denis Forestier quitte le SNI pour prendre la présidence de la mutuelle.
Les domaines d'intervention de la MGEN s'élargissent er se diversifient prenant en compte les risques sociaux comme la vieillesse. Cela commence en 1964, avec le centre de la Chimotaie à Cugand (85), suivi bientôt par d'autres.
Les sociétés de secours mutuels nationales qui couvrent des risques individuels comme la tuberculose (UNSSMI) se transforment en "branches spéciales" chargées de ces risques et en conservent la maîtrise.
La MGEN met en place une branche sanatorium sous la responsabilité d'Alexis Léaud. Elle reprend les sanatoriums de Sainte-Feyre et de Saint-Jean-d'Aulps qu'elle remet en état. La perspective d'un troisième sanatorium est envisagée sur un terrain acheté à la Verrière, près de Versailles.
Avec l'arrivée des antibiotiques il est maintenant possible de soigner les malades de la tuberculose ce qui oblige d'augmenter les structures d'accueil.
D'autres établissements viennent s'adjoindre à cet ensemble : l'Hôtel Royal à Maisons-Lafitte qui est acheté en 1947 pour être transformé en établissement mixte de postcure où sont accueillis les hommes, complété en 1955 par le pavillon Talma pour accueillir les femmes.
Deux autres maisons de convalescence sont acquises : Trois-Epis en 1948, situé près de Colmar et l'Hôtel Chateaubriand à Hyères en 1950.
Dès 1848, la MGEN accueille les personnes âgées dans les établissements d'Arès en Gironde puis de Caire-Val dans les Bouches-du-Rhône.
En 1951, cinq branches fonctionnent au niveau national :
- le secteur des œuvres sociales.
- Le secteur des Allocations journalières invalidité, géré au début à Cahors par l'équipe du Soutien mutuel, est transféré à Paris en 1955.
- le secteur solidarité orphelinat qui est l'héritier de l'Orphelinat national.
- Le secteur du risque chirurgical, correspondant à la Fédération nationale des caisses chirurgicales mutualistes (FNCCM) qui a été rejoint en 1941, par l'Union nationale des caisses chirurgicales mutualistes (UNCCM).
- Le secteur de la garantie collective
Cartes postales
- Hôtel Royal à Maisons Laffitte.
- Maison de retraite des institutrices Lambesc-Caire-Val (Bouches du Rhône), institut Bouquet.
- Centre médical Chateaubriand à Hyères les Palmiers dans le Var.
Médaille de Marcel Rivière par Husset, Paris 1961.
La mutuelle intervient également dans la psychiatrie et le handicap.
La tuberculose étant en passe d'être éradiquée, la cure devient de moins en moins nécessaire.
Une autre orientation est envisagée sur le site de la Verrière, près de Trappes (Yvelines).
Le docteur Paul Sivadon propose de construire un hôpital psychiatrique pavillonnaire. Le centre est achevé en 1963 et prend le nom d'Institut Marcel Rivière. C'est un ensemble de pavillons ouverts sur l'extérieur, organisés en village autour d'un centre social comprenant restaurant, salles d'animation et de théâtre, salles et terrains de sport, etc. A l'enfermement, symbolisé par les grilles des asiles, est substitué un encadrement humain, médical et paramédical.
Il est complété par une "antenne parisienne", rue Lauriston et d'un atelier thérapeutique de réadaptation des malades par le travail, installé rue David-d'Angers à Paris.
En 1968, à proximité de l'Institut Marcel Rivière, une école régionale de perfectionnement est ouverte pour accueillir des enfants en situation difficile. En 1971, un centre de réadaptation pour les enseignants hospitalisés à l'institut lui est adjoint.
La mutuelle commence à organiser des colonies de vacances spécifiques pour les handicapés à Saint-Nazaire-en-Royans (Château Laurent) dans la Drôme (depuis 1965 réservé à l'accueil des handicapés mentaux), puis on ouvre en 1968, un service analogue au château de la Ménaudière dans le Loir-et-Cher transféré quatre ans plus tard à Guérigny dans la Nièvre.
En 1966, une branche handicap est organisée, suivie un an plus tard de la création de la prestation handicap.
A Saint-Nazaire-en-Royans (Drôme) est constitué un centre spécialisé pour les enfants inadaptés.
En 1971, le camping de la Porte Neuve ouvre à Riec-sur-Belon dans le Finistère accueille les mutualistes parents d'enfants handicapés désirant passer des vacances en famille et possédant un matériel de camping.
D'autres centres de vacances suivront.
En 1975, le Centre national médico-éducatif et d'adaptation du Royans (Saint-Thomas-en-Royans) commence à fonctionner.
L'établissement de Sainte-Feyre qui devient en 1969 le Centre Médico Chirurgical National Alfred Leun et celui de Saint-Jean-d'Aulps sont reconvertis vers la cardiologie et la pneumothérapie.
L'Arbizon dans les Hautes-Pyrénées ouvre, le 5 novembre 1970, pour les soins de suite médicochirurgicaux, rééducation et réadaptation fonctionnelle.
D'autres établissements sont créés dans les années qui suivent.
En quarante ans, la MGEN a ouvert 38 établissements spécialisés dans divers domaines – tuberculose, psychiatrie, convalescence, handicap, vieillesse, centres médicaux, etc. La mise en œuvre de ces structures à la pointe du progrès technique, tout en restant financièrement accessibles, s'inscrit dans le cadre d'une "lutte pour l'idéal, pour le respect de la dignité humaine, pour la justice sociale, pour la constante amélioration des conditions morales de la vie, [qui] ne se sépare pas du combat pour la constante amélioration des conditions matérielles". (Charlotte Siney, La Fédaration de l'Education nationale)
Cartes postales.
- La Verrière (Yvelines), le chateau, l'institut Marcel Rivière et l'étang, l'école régionale du premier degré.
Cartes postales.
- Centre gériatrique "la Chimotaie".à Cugand.
- Maison de retraite à Ares en Gironde.
Carte postale.
- Vue générale du Centre médical L'Arbizon, à Bagnères de Bigorre.
Carte postale.
- Vue aérienne de la maison de convalescence et de diététique La Menaudière à Chissay-en-Touraine (Loir-et-Cher)
Denis Forestier décède le 8 mars 1978.
Pierre Chevalier, président, situe la MGEN : Nous N'avons jamais renié la filiation syndicale de la MGEN, son origine syndicale confère un certain style à son expression et à son engagement dans le voie des transformations sociales. Mais le prétexte de cette origine ne saurait permettre que quelqu'un tente de la placer sous tutelle. La vocation à mener le combat social selon les objectifs du syndicalisme est constamment réaffirmée dans nos chartes et dans nos actes. Mais elle nous fixe, en toute indépendance et en toute liberté, nos buts, nos moyens et nos partenaires. Saurons nous, oui ou non, conservez la MGEN unitaire, indépendante et laïque ? (MGEN 50 ans de solidarité)
C'est en 1970 que la MGEN s'installe dans l'ensemble immobilier du Maine-Montparnasse où elle retrouve l'ensemble de ses services.
Le bureau national est composé d'un Président et de quatre Vice-Présidents.
Les instituteurs sont prépondérants dans l'administration de la MGEN. Ses six présidents, -- Marcel Rivière (1946, 1962), Denis Forestier (1962, 1977), Pierre Chevalier (1977, 1991), Alain Chauvet (1991, 1999) et Jean-Michel Laxalt (1999, 2009), Thierry Beaudet (2009-...) -- ont débuté comme enseignants dans le primaire. Les cinq premiers ont exercé des responsabilités au Syndicat national des instituteurs.
Depuis qu'elle gère la sécurité sociale, la MGEN peut faire appel à du personnel de l'éducation nationale. Le nombre d'enseignants "mis à disposition" est proportionnel au nombre d'assurés sociaux existant dans chaque département. A la différence des autres mutuelles, elle supporte intégralement la charge financière en remboursant à l'Etat la totalité de leur traitement. Les MAD sont majoritairement issus du mouvement syndical. Par leur savoir et leurs connaissances professionnelles, ils jouent un rôle intermédiaire essentiel entre le siège national et les élus départementaux.
Les ordonnances du 21 août 1967 réorganisent le régime général de la Sécurité sociale. Cette réforme dite Jeanneney (ministre des Affaires sociales) assure la séparation financière des risques dans trois « branches » distinctes : santé, vieillesse, famille.
Il est créé trois caisses nationales :
- la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) ;
- la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) ;
- la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF).
La gestion de la trésorerie des différentes branches est confiée à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).
Bulletin trimestriel du Soutien mutuel du 15 juin 1926.
Centre de vacances pour handicapés de la MGEN
"Le château", 26 St-Nazaire-en-Royans.
Cartes postales.
- Centre médical Trois-Epis (Ht Rhin)
Vue générale.
Le hall, salon de jeux, salle de conférence, salon, bibliothèque, gymnastique médicale
Jean Le Gall, secrétaire de la section de la Seine-Inférieure décrit cette mise en route :
Il fallait tout créer sans argent, sans locaux, sans personnel, sans mobilier, sans connaissances précises, mais avec un moral d'acier! Monsieur Bouisset qui nous avait promis son concours, décida de se rendre à Paris, à une réunion d'inspecteurs d'académie, de recteurs et d'inspecteurs généraux, pour obtenir de ses collègues un appui ferme pour la MGEN naissante. Nous prîmes le train pour aller consulter nos camarades parisiens Rivière, Coq, Belpomme, Breuillard, voir ce qu'ils avaient fait et de quelle manière ils avaient commencé à décompter les feuilles, à payer les indemnités et avec quelle trésorerie… Dans le train, M. Bouisset, Quentin et moi, nous étions anxieux devant l'immense tâche qui nous attendait, avec la faiblesse de nos moyens.
De retour à Rouen, réconfortés par ce que nous avions vu et entendu, nous nous mîmes au travail avec Lacombe et les responsables syndicaux Miannay, Bruguet qui se lancèrent dans l'action avec courage et compétence. Un bureau provisoire avait été constitué et nous avions donné la présidence à M. Bouisset, inspecteur d'académie ce qui donnait un caractère officiel à tous nos communiqués. Par le truchement des notes de service, tous les personnels enseignants de Seine-Inférieure apprirent la formation de la MGEN.
Nous eûmes d'âpres discussions avec les directeurs de caisse primaire pour la reconnaissance de nos droits administratifs et le calcul équitable des remises de gestion, pour les avances de trésorerie, pour les remboursements des prestations après contrôle. Les directeurs de caisses ne voyaient pas sans inquiétudes diminuer leur importance, leurs prérogatives, voire leurs indemnités. Notre lutte ne fut pas moins rude contre l'ordre des médecins et des pharmaciens et notre projet de tiers-payant échoua à cause de 1% de remise de frais de gestion. (MGEN 50 ans de solidarité)
Affiche Mutuelle Générale de l'Education Nationale, la plus puissante des sociétés mutualistes de fonctionnaires, près de 200.000 adhérents.