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Chromolithographie.(390 x 280)
"Le souffleur", d'après Friedrich Peter Hiddemann (1829 - 1892)
L’institution des inspecteurs de l’instruction primaire est une des conséquences de la loi de 1833.
Jusqu’à cette époque, l’Etat n’avait pas eu, à proprement parler, de surveillants immédiats de l’instruction primaire.
Depuis 1789, la surveillance des écoles été dévolue soit aux administrations locales ou cantonales, soit à des comités émanant de la commune, du canton ou de l’arrondissement.
L’article 93 du décret du 17 mars 1808, qui organise l’Université, porte que les inspecteurs d’académie doivent, sur l’ordre du recteur, visiter et inspecter les écoles de leurs arrondissements.
Mais les inspecteurs d’académie trouvent bien rarement le loisir de s’acquitter de leurs obligations à l’égard de ce qu’on appelle les petites écoles.
La loi du 28 juin 1833 n’établit point encore l’intervention continue de l’Etat dans la surveillance des écoles primaires. Elle remplace les comités cantonaux par des comités locaux et des comités d’arrondissement, ayant pour but de se soutenir et de se contrôler réciproquement.
Un mois après la promulgation de la loi, le 28 juillet 1833, Guizot adresse une circulaire à tous les recteurs, pour leur demander de procéder, dans toutes les académies, à une inspection générale des écoles primaires. Cette enquête ne pouvant être faite par la plupart des inspecteurs d’académie, déjà surchargés, le ministre, pour ce travail, ouvre un crédit aux fonctionnaires, professeurs, administrateurs d’établissements universitaires, que le recteur voudrait agréer.
490 personnes répondent à cet appel, et les résultats de cette première inspection sont excellents selon Guizot.
De là à rendre permanente l’institution, il n’y a qu’un pas.
Guizot le franchit l’année suivante.
L’ordonnance royale du 26 février 1835 crée pour chaque département un inspecteur spécial de l’instruction primaire, nommé par le Ministre de l’instruction publique, le conseil royal entendu. Sauf la première nomination, nul ne peut être nommé inspecteur de l’instruction primaire, s’il n’a rempli des fonctions dans les collèges royaux ou communaux, servi avec distinction dans l’instruction primaire pendant au moins cinq années consécutives, ou fait partie, pendant un même nombre d’années, des comités d’arrondissement créés par la loi de 1833.
Un statut du conseil royal de l’instruction publique, en date du 27 février 1835, précise les attributions des nouveaux fonctionnaires :
Article 1. Dans chaque département, l’inspecteur de l’instruction primaire dressera, tous les ans, d’après les renseignements qui lui seront fournis par le recteur de l’Académie et par le préfet du département, ou qu’il aura recueillis lui-même, le tableau des écoles de son ressort qui devront être, de sa part, l’objet d’une visite prompte et spéciale…
Art. 2. Dans toutes les écoles qu’il visitera, l’inspecteur portera son attention : 1° sur l’état matériel et la tenue générale de l’établissement ; 2° sur le caractère moral de l’école ; 3° sur l’enseignement et les méthodes.
Il assistera aux leçons et interrogera lui-même les élèves.
Art. 3. Il examinera spécialement quels livres élémentaires sont en usage, ou manquent dans les diverses écoles, quel nombre d’exemplaires y serait nécessaire, et comment a été opérée la distribution des livres antérieurement envoyés par le Ministre de l’instruction publique.
Il s’assurera qu’il n »est fait usage, dans les écoles publiques, que des ouvrages autorisés par le conseil royal, et que les livres employés dans les écoles privées ne contiennent rien de contraire à la morale…
Un arrêté du Ministre, en date du 4 août de cette même année 1835, partage les inspecteurs primaires en trois classes.
Le 13 août, au moment où va commencer la première campagne de l’inspection, Guizot adresse à chacun des inspecteurs primaires une circulaire pour leur faire connaître la mission qu’il leur confie, et ce qu’il attend de leurs efforts.
… La loi du 28 juin 1833 a désigné les autorités appelées à concourir à son exécution. Toutes ces autorités, les recteurs, les préfets, les comités, ont reçu de moi des instructions détaillées qui les ont dirigées dans leur marche. ... Cependant, au moment même où la loi a été rendue, tous les hommes éclairés ont pressenti que l’action de ces diverses autorités ne suffisait pas pour atteindre le but que la loi se proposait. La propagation et la surveillance de l’instruction primaire est une tâche à la fois très-vaste et surchargée d’une infinité de détails minutieux. Il faut agir partout et regarder de très-près : ni les recteurs, ni les préfets, ni les comités ne peuvent suffire à un tel travail…
J’ai reconnu en même temps, et tous les administrateurs éclairés ont acquis la même conviction, que, malgré leur égale bonne volonté et leur empressement à agir de bon accord, le concours de ces diverses autorités à la direction de l’instruction primaire donnait lieu quelquefois à des tâtonnements, à des frottements fâcheux, qu’il manquait entre elles un lien permanent, un moyen prompt et facile de s’informer réciproquement, de se concerter et d’exercer, chacune dans sa sphère, les attributions qui leur sont propres, en les faisant toutes converger, sans perte de temps ni d’efforts, vers le but commun.
Combler toutes ces lacunes, faire dans l’intérêt de l’instruction primaire ce que ne peut faire ni l’une ni l’autre des diverses autorités qui s’en occupent, servir de lien entre ces autorités, faciliter leurs relations, prévenir les conflits d’attributions et l’inertie ou les embarras qui résultent, tel est, monsieur l’inspecteur, le caractère propre de votre mission.
La Chambre des députés n’a pas hésité à accorder au ministre les crédits nécessaires pour le fonctionnement de l’inspection primaire. Toutefois, dans l’esprit d’un certain nombre de membres, l’institution ne devait être que temporaire : le rapporteur de la commission chargée d’examiner le projet de budget pour l’exercice 1836, déclare dans son rapport qu’il espère bien que le service des inspecteurs deviendra superflu, lorsque les divers comités « qui doivent surveiller l’instruction primaire, seront plus familiarisés avec ce qu’exige cette honorable mission.
On ne tarde pas à s’apercevoir que ces comités ne sont pas réellement compétents et n’ont pas les moyens d’action suffisants pour représenter l’Etat dans l’instruction primaire, et, d’autre part, qu’il est impossible d’accumuler sur une seule tête les fonctions d’inspecteur d’académie et d’inspecteur des écoles.
On est conduit non-seulement à maintenir l’institution, mais encore à la fortifier.
Quelques mois après, sur le rapport de M. de Salvandy, successeur de Guizot, la question est définitivement tranchée par l’ordonnance du 13 novembre 1837, qui complète l’institution de l’inspection primaire en créant, outre l’inspecteur spécial chargé de tout le département, un ou deux sous-inspecteurs, pour la surveillance des écoles dans un ou plusieurs arrondissements. La nomination des sous-inspecteurs est réservée au ministre, le conseil royal entendu.
Sur la liste des inspecteurs nommés nous distinguons 12 instituteurs et 3 maîtres adjoints d’école normale.
Une ordonnance du roi, du 18 novembre 1845, détermine le mode de recrutement des inspecteurs et les conditions requises pour en exercer les fonctions.
Article 1er. Nul n’est inspecteur primaire, s’il n’a été sous-inspecteur. Les directeurs des écoles normales primaires sont seuls excepté de cette disposition. Les inspecteurs et sous-inspecteurs sont nommés par notre ministre secrétaire d’Etat au département de l’instruction publique, grand maître de l’Université.
Art. 2. Un tiers des emplois vacants dans le corps des sous-inspecteurs primaires sera dévolu aux instituteurs primaires ; un tiers, soit à des membres de différents comités d’instruction primaire, soit à des gradués libres de l’Université ; un tiers, aux régents ou principaux des collèges communaux…
Art. 4. Quiconque devra être appelé aux fonctions de sous-inspecteurs primaire passera préalablement un examen sur les devoirs de l’instruction primaire, et la pratique particulière, les méthodes spéciales d’enseignement de ce degré ; savoir, salles d’asile, ouvroirs, écoles élémentaires, écoles supérieures, écoles d’adultes des deux degrés, écoles professionnelles.
Les instituteurs primaires qui devront être promus aux fonctions de sous-inspecteurs, passeront ledit examen sur les parties du service de l’instruction primaire auxquelles ils sont restés étrangers dans l’exercice de leurs fonctions.
L'inspection
1848 fait oublier le projet de loi renforçant l’autorité des comités locaux et des comités d’arrondissement, où l’inspecteur primaire, et, à son défaut, le sous-inspecteur désigné par le ministre, avait seulement voix délibérative.
La loi du 15 mars 1850 établit qu’il y aura, dans chaque arrondissement, un inspecteur de l’enseignement primaire, choisi par le Ministre après avis du conseil académique. Les inspecteurs deviennent tous égaux, du moins hiérarchiquement.
En 1852, à la suite du changement politique, qui est la conséquence du coup d’Etat du 10 décembre, l’institution des inspecteurs primaires est menacée d’une ruine complète. Le conseil d’Etat est saisi d’une loi qui supprimerait les inspecteurs primaires en même temps que les recteurs départementaux dont ils relèvent. L’inspection des écoles primaires publiques et particulières, confiée aux inspecteurs d’académie, serait exercée, dans le canton, par le juge de paix, assisté d’un certain nombre de délégués que le préfet nommerait en conseil départemental. La surveillance directe des écoles particulières et publiques serait dévolue au maire et au curé. Ainsi l’instruction primaire redeviendrait une affaire purement communale.
En présence d’objections auxquelles il ne s’attendait pas, en présence surtout de l’opinion publique, proclamant hautement qu’il faudrait bientôt rétablir ce qu’on détruit, si l’on ne veut pas voir l’instruction primaire succomber sous l’effort des passions locales désormais sans contrepoids, le gouvernement ajourne son projet, puis le retire.